Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/214

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Madeleine au désert. Elle est si jolie, si jeune, si fraîche, qu’elle doit être installée d’hier « in foraminibus petræ, in caverna maceriæ. » La pénitence n’a pas encore eu le temps de creuser ses belles joues et de flétrir ses formes attrayantes que laisse voir une draperie de velours glissée sur ses genoux ; l’aimable peintre ne pouvait prendre la sainte pécheresse qu’à ce moment-là ; Ribera nous l’eût montrée les yeux caves, la bouche noire, les pommettes saillantes, la poitrine décharnée, ravinée comme un lit de torrent par les macérations, n’ayant pour tout vêtement qu’une broussaille de cheveux incultes ou qu’un bout de sparterie effilochée. — C’eût été plus vrai sans doute et plus catholique ; mais nous préférons la Madeleine de Roqueplan.

Qui n’a lu et relu avec délices dans les Confessions de Jean-Jacques Rousseau, l’histoire de mesdemoiselles Gallet, le passage du gué et la cueillette des cerises ? Roqueplan a traité ces deux sujets : les toiles de l’artiste valent les pages du prosateur, c’est tout dire ; rien n’est plus naïvement coquet, plus adorablement jeune. — Comme on comprend Rousseau, et qu’on voudrait jeter du haut de l’arbre ses lèvres, au lieu de cerises, sur le sein de ces belles filles ! Ici la façon est toute différente : l’huile prend une fleur de pastel.

Nous arrivons à une époque décisive de la vie de l’artiste : déjà frappé du mal dont il est mort, il était allé demander des forces à l’air tiède du Midi. Ranimé pour quelque temps par cette atmosphère