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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/266

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ne lui était inconnu, et il pouvait mettre au service du grand artiste qu’il était, l’adresse pratique de l’ouvrier le plus expert. Nous insistons sur ce point parce que la plupart des statuaires de nos jours, occupés seulement de la partie idéale de leur art, après avoir modelé leur terre ou leur cire, la confient pour l’exécution aux praticiens qui ne sauraient y donner ce coup de pouce final qui est le sentiment même de l’artiste. Il manque à ces statues mathématiquement semblables à leurs modèles, l’enveloppe suprême, la fleur d’épiderme, la palpitation de vie, chose moins importante peut-être dans le marbre que dans le bronze, dont le métal ductile reproduit jusqu’aux gaufrures imperceptibles que le doigt laisse sur l’argile.

On a longtemps considéré Barye comme un animalier, tant on est prompt, en France, à parquer un artiste dans une spécialité qu’on se plaît à rétrécir de plus en plus. Cependant il avait débuté, au Salon de 1827, par des bustes où il montrait qu’il pouvait modeler aussi bien un homme qu’un lion. Refusé au Salon de 1836, comme le furent E. Delacroix, Théodore Rousseau, Corot, Préault, Maindron et bien d’autres, par un jury composé alors exclusivement de membres de l’Institut hostiles aux idées nouvelles, il se retira, comme on dit, sous sa tente, ne voulant plus s’exposera l’affront, mais non découragé : car une nature aussi robuste, aussi énergique, aussi patiente que celle de Barye ne se rebute pas aisément. Privé de la publicité des Expositions