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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/273

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suspensions de césure, qui le rendaient plus propre que tout autre à mettre en musique les vers des novateurs, rendus également ennemis des périodes carrées par la lecture des anciens et de Ronsard.

Pendant longtemps, Hippolyte Monpou, de même que tous les poètes dont il traduisait les vers, fut regardé par les bourgeois électeurs et éligibles comme un écervelé, comme un furieux qu’on avait tort de laisser chanter sans muselière ; quand il s’asseyait au piano, l’œil en feu, la moustache hérissée, il se formait autour de lui un cercle de respectueuse terreur : aux premiers vers de l’Andalouse, les mères envoyaient coucher leurs filles et plongeaient dans leurs bouquets, d’un air de modeste embarras, leur nez nuancé des roses de la pudeur. La mélodie effrayait autant que les paroles ! Peu à peu, cependant, l’on finit par s’y faire ; seulement, on substituait, teint à sein bruni, et l’on disait :


C’est la maîtresse qu’on me donne…


au lieu de :


C’est ma maîtresse, ma lionne…


qui paraissait, en ce temps-là, par trop bestial et monstrueux.

Une foule de romances, toutes plus charmantes les unes que les autres et dont plusieurs sont devenues populaires, répandirent la réputation de l’auteur, qui put enfin aborder le théâtre, objet de tous