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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/291

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qui nous a soutenu. Ah ! comme nous avons été jaloux d’Antony, de Chatterton et de Didier !

Un grand vide se fait dans l’âme lorsque les choses qui ont passionné votre jeunesse disparaissent les unes après les autres : où retrouver ces émotions, ces luttes, ces fureurs, ces emportements, ce dévouement sans bornes à l’art, cette puissance d’admiration, cette absence complète d’envie qui caractérisèrent cette belle époque, ce grand mouvement romantique qui, semblable à celui de la Renaissance, renouvela l’art de fond en comble, et fit éclore du même coup Lamartine, Hugo, Alexandre Dumas, Alfred de Musset, Sand, Balzac, Sainte-Beuve, Auguste Barbier, Delacroix, Louis Boulanger, Ary Scheffer, Devéria, Decamps, David (d’Angers), Barye, Hector Berlioz, Frédérick Lemaître et madame Dorval, disparue trop tôt de cette pléiade étincelante, dont elle n’était pas une des moins lumineuses étoiles !

Frédérick Lemaître, que nous venons de nommer, et madame Dorval formaient un couple théâtral parfaitement assorti. C’était la vraie femme de Frédérick, comme Frédérick était son vrai mari, — sur la scène, bien entendu. — Ces deux talents se complétaient l’un par l’autre et se grandissaient en se rapprochant. Frédérick était l’homme qu’il fallait pour faire pleurer cette femme ; mais aussi comme elle savait l’attendrir quand sa fureur était passée ! quels accents elle lui arrachait ! Qui ne les a pas vus ensemble, dans le Joueur par exemple, dans Peblo,