Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/315

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nes verls et des rouges terrains avec le contour net de Léopold Robert et la solide couleur de Schnetz, pendant que Charles Coran, dans Onyx et les Rimes galantes, vantait la Vénus mondaine et les élégances de la haute vie sans sortir du boudoir.

Cependant les maîtres se développaient magnifiquement. Aux Méditations succédaient les Harmonies, aux Orientales, les Feuilles d’automne, les Rayons et les Ombres, les Voix intérieures ; aux Contes d’Espagne et d’Italie, le Spectacle dans un fauteuil ; aux Poésies de Joseph Delorme, les Consolations, les Pensées d’août, et autour de chaque génie l’admiration groupait des imitateurs. Lamartine fut copié d’abord avec plus ou moins de bonheur ; Victor Hugo eut ensuite une habile, fervente et nombreuse école ; Alfred de Vigny, retiré dans sa tour d’ivoire, réunit quelques fidèles ; plus tard ce fut Alfred de Musset qui prédomina. Sa sensibilité nerveuse, mêlée de dandysme et de raillerie, sa négligence pleine de grâce, son vers facile marchant parfois tout près de la prose et se relevant comme un oiseau d’un rapide coup d’aile, son rire trempé de larmes, son scepticisme si frais, si candide et si attendri encore dans ses blasphèmes et ses désespérances, devaient séduire et séduisirent en effet la jeunesse. Alfred de Musset est le poète de la vingtième année ; sa muse n’a connu que le printemps et à peine le commencement de l’été : l’automne ni l’hiver ne sont venus pour elle. Namouna enfanta une nombreuse famille ; Frank eut beaucoup de frères, et Belcolor bien des