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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/323

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rossignol. Jamais la fantaisie ne se livra à un plus joyeux gaspillage de richesses, et, dans ce bizarre volume, rinspiration de Banville ressemble à cette mignonne princesse chinoise dont parle Henri Heine, laquelle avait pour suprême plaisir de déchirer, avec ses ongles polis et transparents comme le jade, les étoffes de soie les plus précieuses, et qui se pâmait de rire en voyant ces lambeaux roses, bleus, jaunes s’envoler par-dessus le treillage comme des papillons.

L’auteur n’a pas signé cette spirituelle débauche poétique qui est peut-être son œuvre la plus originale. Nous croyons qu’on peut admettre dans la poésie ces caprices bouffons comme on admet les arabesques en peinture. Ne voit-on pas dans les loges du Vatican, autour des plus graves sujets, de gracieuses bordures où s’entre-mêlent des fleurs et des chimères, où des masques d’ægipans vous tirent la langue, ou de petits Amours fouettent d’un brin de paille les colimaçons attelés à leur char, fait chez le carrossier de la leine Mab ?

Dans cette catégorie de poëtes qui touchent aux deux époques, il faut ranger le marquis de Belloy et le comte de Gramont, ce Pythias et ce Damon de la poésie, dont les noms ne se séparent pas plus que ceux d’Edmond et de Jules de Goncourt.

Mais cette fraternité de cœur, d’opinions, de sentiments, qu’attestent les devises et les dédicaces, ne va pas jusqu’à la fraternité du travail ; chaque poëte a sa lyre et chante seul. Quoiqu’il y ait chez les