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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/349

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plus grands coups d’aile parmi les nuages et les tonnerres, où les poètes hasardeux montant Pégase à cru lui jetaient la bride sur le col et ne se servaient que des éperons, c’était une nouveauté étrange que ce jeune homme venant proclamer presque comme un dogme l’impassibilité et en faisant un des principaux mérites de l’artiste.

Le volume des Poëmes antiques s’ouvre par une pièce adressée à la belle Hypatie, cette sainte païenne qui souffrit le martyre pour les anciens dieux. Hypatie est la muse de Leconte de Lisle et représente admirablement le sens de son inspiration. Elle avait droit à être invoquée par lui au commencement de ses poëmes, et il lui devait bien le premier de ses chants. Il a comme elle le regret de ses dieux superbes, les plus parfaits symboles de la beauté, les plus magnifiques personnifications des forces naturelles, et qui, déchus de l’Olympe, n’ayant plus de temples ni d’adorateurs, règnent encore sur le monde par la pureté de la forme. À l’antique mythologie, le poëte moderne, qui eût dû naître à Athènes au temps de Phidias, mêle les interprétations platoniciennes et alexandrines. Il retrouve sous les fables du paganisme les idées primitives oubliées déjà, et comme l’empereur Julien, il le ramène à ses origines. Il est parfois plus Grec que la Grèce, et son orthodoxie païenne ferait croire qu’il a été, ainsi qu’Eschyle, initié aux mystères d’Eleusis. Singulier phénomène à notre époque qu’une âme d’où toute idée moderne est absolument ban-