Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/364

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talent de Joséphin Soulary, d’une concentration extrême, est une essence passée plusieurs fois par l’alambic et qui résume en une goutte les saveurs et les parfums qui flottent épars chez les autres poëtes. Il possède au plus haut degré la concision, la texture serrée du style et du vers ; l’art de réduire une image en une épilhèle, la hardiesse d’ellipse, ringéniosité sublile et l’adresse d’emménager dans la place circonscrite qu’il est interdit de dépasser jamais, une foule d’idées, de mots et de détails qui demanderaient ailleurs des pages entières aux vastes périodes. Ceux qui aiment les lectures faciles et tournent les pages d’un doigt distrait pourraient trouver le style de Joséphin Soulary un peu obscur ou malaisé à comprendre ; mais le sonnet comporte cette difficulté savante. Pétrarque ne se lit pas couramment, et l’Italie, où l’on sait apprécier le sonnet, a envoyé au poëte une médaille d’or avec cette inscription : Giuseppe Soulary le muse francesi guida ad attingere aile Itale fonti.

Dans un temps de fécondité débordante, c’est bien peu, nous le savons, qu’un volume de sonnets ; mais nous préférons à des bibliothèques de gros volumes d’un intérêt mélodramatique cette fine étagère finement sculptée qui soutient des statuettes d’argent ou d’or d’un goût exquis et d’une élégance parfaite dans leur dimension restreinte, des buires d’agate ou d’onyx, des cassolettes d’émail contenant des parfums cencentrés, de précieux vases myrrhins opalisés de tous les reflets de l’iris, et parfois