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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/374

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de Murger, où la jeunesse jette ses dernières fleurs : « Il fit la chanson de Musette. »

Nous venons de parler de chansons. Dans la nouvelle école elles sont rares ; l’art de Boufflers, de Désaugiers et de Béranger est un peu dédaigné comme frivole et badin. La guitare est abandonnée pour la lyre, et Pierre Dupont lui-même visait à l’ode populaire, à la Marseillaise poétique. C’est pourtant, comme on dit, un genre bien français que la chanson, aussi français que l’opéra-comique et le vaudeville. Gustave Nadaud a fait une chanson moderne qui reste dans les limites du genre et pourtant contient les qualités nouvelles d’images, de rhythme et de slyle indispensables aujourd’hui. Il fait lui-même la musique de ses vers, et il les chante avec beaucoup de goût et d’expression. La chanson est une muse bonne fille qui permet la plaisanterie et laisse un peu chiffonner son fichu, pourvu que la main soit légère ; elle trempe volontiers ses lèvres roses dans le verre du poëte où pétille l’écume d’argent du vin de Champagne. À un mot risqué elle répond par un franc éclat de rire qui montre ses dents blanches et ses gencives vermeilles. Mais sa gaieté n’a rien de malsain, et nos aïeux la faisaient patriarcalement asseoir sur leurs genoux. Maintenant qu’on est plus corrompu, la pudeur est naturellement plus chatouilleuse, et Gustave Nadaud a eu besoin de beaucoup d’art et de discrétion pour conserver, malgré ces scrupules, la liberté d’allures de la chan-