Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/380

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perbes, les plus beaux que Théodore de Banville ait jamais écrits.

Après avoir imité, en l’outrant dans sa manière, l’Alfred de Musset de Mardoche, des Marrons du feu, de la Ballade à la lune, non pas en écolier, mais en maître déjà habile, M. Catulle Mendès s’est lassé bien vite de ces allures tapageuses et de cette gaminerie poétique. Il s’est calmé et a mis, comme on dit, de l’eau dans son vin ; mais cette eau est de l’eau du Gange. Quelques gouttes du fleuve sacré ont suffi pour éteindre dans la coupe du poëte le pétillement gazeux du vin de Champagne. Pandit élevé à l’école du brahmine Leconte de Lisle, il explique maintenant les mystères du lotus, fait dialoguer Yami et Yama, célèbre l’enfant Krichdna et chante Kamadéva en vers d’une rare perfection de forme, malgré la difficulté d’enchâsser dans le rhythme ces vastes noms indiens qui ressemblent aux joyaux énormes dont sont ornés les caparaçons d’éléphants. Les Mystères du lotus, ne brillent pas par la clarté, mais souvent l’obscurité des choses jette de l’ombre sur les mots, et l’on ne saurait que louer la manière savante dont se déroulent les tercets de cette pièce dans leur mouvement régulier, comme les vagues de la mer d’Amrita, où flotte Purucha sur un lit dont le dais est formé par les mille têtes du serpent Çécha, rêveur et regardant sortir de son nombril le lotus mystique. Cette étrange mythologie indienne avec ses dieux aux bras multiples, ses avatars, ses légendes cosmogoniques et ses mystères inextrica-