Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/396

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chassant devant lui l’essaim des strophes, et ne redescend que sur les cimes.

Si les Poésies parisiennes d’Emmanuel des Essarts nous conduisent au bal, le Chemin des bois (tel est le litre du volume de Theuriet) nous ramène à la campagne, et l’on fait bien de le suivre sous les verts ombrages où il se promène comme Jacques le mélancolique dans la forêt de Comme il vous plaira, faisant des réflexions sur les arbres, les fleurs, les herbes, les oiseaux, les daims qui passent, et le charbonnier assis au seuil de sa hutte en branchages. C’est un talent fin, discret, un peu timide que celui de Theuriet ; il a la fraîcheur, l’ombre et le silence des bois, et les figures qui animent ses paysages glissent sans faire de bruit comme sur des tapis de mousse, mais elles vous laissent leur souvenir et elles vous apparaissent sur un fond de verdure, dorées par un oblique rayon de soleil. Il y a chez Theuriet quelque chose qui rappelle la sincérité émue et la grâce attendrie d’Hégésippe Moreau dans la Fermière.

On pourrait mettre auprès de Theuriet, pour rester dans la nuance, Auguste Desplaces, un charmant poëte qui, effrayé du tumulte de Paris, s’est depuis longtemps réfugié dans la Creuse, et dont l’Artiste insérait de loin en loin quelque pièce exquise, fin régal pour les délicats, quelque élégie rêvée ou sentie et rimée lentement à travers les loisirs de la solitude. Nous ne savons pas si ces morceaux, que connaissent les vrais amateurs de poésie, sont réu-