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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/150

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LA FLEUR-SERPENT

sont tachées de deux yeux et une épine aiguë se projette comme un dard. La ressemblance avec le serpent est saisissante. Tous ces yeux qui vous regardent, tous ces dards qui semblent défendre les pompons rouges, droits sur leur tige et comme imbibés de sang, sont de l’effet le plus extraordinaire, le plus inquiétant.

Les racines étaient profondément enfoncées dans le sol ; évidemment la plante avait déjà plusieurs années. Les jardiniers s’acharnèrent, la lune leur faisait de grandes ombres noires gesticulant derrière eux avec des allongements fantastiques.

Je m’étais arrêté auprès des travailleurs, la tête basse, singulièrement oppressé. Je regardais d’un œil fixe le trou qui s’élargissait sous les coups de bêche. Bientôt mes idées se troublèrent : je me crus dans un cimetière ; la clarté nocturne donnait un aspect de pierres tombales au rebord du mur, à la première marche de l’escalier. Les vases de marbre étaient des urnes funéraires, ces hommes des fossoyeurs.

Pauvre petit ! c’était à cette même place que je l’avais vu quelques heures auparavant, son rire vibrant encore dans l’air, et déjà l’on creusait sa tombe !