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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/156

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LA FLEUR-SERPENT

douloureuse où tout espoir fut perdu pour nous ? J’errais autour de ta demeure, n’osant y entrer, fou d’inquiétude. J’épiais les fenêtres de tes salons illuminés, la baie de feu de la porte ouverte. Tu tentais un dernier effort auprès de ton fiancé, tu voulais le supplier, l’attendrir, lui avouer ton amour pour moi. Que ces heures d’attente furent infernales !

« Brusquement tu m’apparus dans la lueur de la porte ; tu descendis les degrés du perron, et je te reçus dans mes bras, glacée, livide, grinçant des dents.

« — C’est fini, dis-tu, il refuse de rendre la parole donnée, on fixe le jour des noces… Adieu ! j’en mourrai !

« Et tu replongeas dans le gouffre rouge.

« Je chancelai d’abord comme si j’avais reçu sur le crâne un coup de massue, puis un calme subit succéda à l’horrible agitation qui me consumait tout à l’heure. Ce fut comme un torrent déchaîné subitement glacé par un souffle polaire : une résolution dure, implacable, froide, avait figé ma fureur. Un rire crispa ma bouche, et je criai vers ta forme disparue :