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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/16

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ISOLINE

peu noyé dans les nuées grises : à droite Saint-Malo, enfermée dans ses murailles que domine la pointe aiguë de son clocher, semble une de ces villes que l’on voit dans les enluminures des missels, portée sur la main par un roi. Vers la haute mer, les rochers, les îles, que borde la blancheur de l’écume mouvante, font des taches brunes. À gauche Dinard, coquette avec ses villas cachées dans la verdure, s’accroche audacieusement aux flancs rocheux des collines.

Mais le bateau, qui bondit, se cabre et retombe dans un éclaboussement d’eau envolée, vire de bord et prend sa route définitive vers la Rance dont la marée montante fait rebrousser le cours.

Le tableau change alors ; on croit voir maintenant un lac entouré de coteaux verdoyants. L’horizon est fermé, mais à mesure que l’on avance, les collines semblent s’écarter, comme des portants de théâtre, et ouvrent le passage sur d’autres lacs qui momentanément paraissent aussi sans issue.

Les flots s’apaisent, l’on entre en rivière, et les personnages qu’emporte le fin bateau qui file maintenant sans secousses commencent à s’examiner les uns et les autres.