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LA FLEUR-SERPENT

terrassée en ce jour terrible qui lui avait ravi son fils et son amant. Je l’avais fait transporter hors de la villa funeste ; mais son état ne m’avait pas permis d’en faire davantage et de l’éloigner de Naples.

Ce fut avec un dévouement de frère, où se mêlait peut-être un sentiment plus vif, que je la soignai pendant ces longs, ces douloureux mois. Bien des fois je la jugeai perdue, puis sa jeunesse, et peut-être l’acharnement que je mettais à la sauver, ramenaient l’espoir.

Cette fois je triomphais décidément ; depuis quelques semaines la convalescence s’établissait. Mais ce n’était que le corps qui commençait à renaître, la nature toute-puissante hâtait son œuvre de réparation, tandis que l’esprit trop faible encore sommeillait. Ce n’était pas sans une vive terreur que j’attendais le réveil du sentiment : qu’allait-il advenir lorsque la blessure de l’âme se rouvrirait ? quand, à la fièvre qu’on peut dompter, succéderait le désespoir impossible à guérir ? N’allait-on pas me reprocher d’avoir arraché sa proie à la mort consolante ? Et, en somme, pourquoi l’avais-je fait ? Un sentiment égoïste, un espoir inavoué, ne m’a-