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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/191

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TROP TARD

Comme ses petits pieds nus devaient être charmants, plongés dans ce tapis sombre !

J’allai m’agenouiller au bord du lit que je couvris de baisers en étouffant, je crois, quelques sanglots dans les plis des couvertures.

Cette chambre, je voulus l’habiter. Je le déclarai à ma mère, qui, habituée à céder à tous mes caprices, y fit emménager mes bagages. Je m’étais juré à moi-même de ne plus lui parler de mes folles rêveries ; aussi gardai-je pour moi mes découvertes. J’aurais pu lui faire des questions, éclaircir mes doutes ; mais je craignais trop de voir mon échafaudage d’illusions crouler sous le coup de quelque réalité brutale.

Certes le jeune époux qui franchit le seuil nuptial n’a pas d’émotion plus poignante que celle qui me saisit la première fois que je dus coucher dans ce lit qui, pour moi, avait été le sien.

Je ne te dirai pas les insomnies, les fièvres, les rêves fous qui m’assaillirent.

Je fus bientôt dans un état d’exaltation extraordinaire ; ma santé, assez faible en général, s’altéra gravement ; je maigrissais, je pâlissais : une langueur, une fatigue continuelle m’accablaient. Ma