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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/195

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TROP TARD

L’horrible fièvre exaltait ton jeune cerveau d’une façon inquiétante, tes paroles nous effrayaient, elle seule pouvait te calmer rien que par sa présence ; elle paraissait t’éblouir, te fasciner : c’est qu’elle était bien belle, en effet, quand elle entrait le soir dans ta chambre, toute rayonnante de pierreries, enveloppée des lueurs douces du satin de ses superbes toilettes. Elle allait à un bal, à une réception à la cour, et, avant de partir, venait te voir un instant. Elle s’asseyait près de ton lit et te parlait doucement en mettant ses gants, puis elle effleurait ton front d’un baiser en te recommandant de bien dormir, et elle s’enfuyait avec un long froufrou de soie. Tu fermais les yeux aussitôt et l’on te croyait endormi ; mais, dès que sa voiture revenait, tu te dressais en fixant tes regards, brillants de fièvre, vers la porte, qu’elle entr’ouvrait bientôt pour demander à voix basse de tes nouvelles. Dans les plus mauvaises nuits, elle te veilla avec moi, car tu l’appelais toujours dans ton délire. Le docteur lui disait en souriant :

— « Jusqu’à Marcel qui est amoureux de vous. » Tu avais cinq ans. »

J’écoutais, tout palpitant d’émotion, les paroles