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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/234

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L’AUBERGE

raient-ils heureux plutôt que nous ? Viens, fuyons ces lieux : tu m’aimes, après ces mots-là tous les autres sont pour moi vides de sens. »

Yamata dégagea ses mains que le jeune homme tenait toujours dans les siennes.

— « Mïodjin, dit-elle, aurais-tu moins de courage qu’une femme ? »

Il baissa la tête en silence et appuya la main sur ses yeux, et après un moment il dit d’une voix plus froide :

— « C’est bien, ma sœur, tu as l’âme d’un héros, je ne serai pas au-dessous de toi. Je suis au bord du gouffre sans fond où toute ma part de bonheur s’est abîmée, le faible espoir qui me restait encore vient d’y tomber à son tour. Je me soumets, ordonne : que dois-je faire ?

— Tu dois épouser ma sœur, dit Yamata en cherchant à raffermir sa voix mouillée de larmes ; tu dois la rendre heureuse par amour pour moi, comme j’aimerai mon époux en souvenir de toi.

— J’obéirai si j’ai la force de vivre, dit Mïodjin ; j’achèverai le sacrifice qu’une tendre amitié nous a imposé. Dès demain j’accrocherai à sa porte le rameau emblématique.