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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/37

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ISOLINE

lourdes nuées du ciel croulaient comme pour rejoindre cette vapeur terrestre.

Quoi ! elle vivait là depuis vingt ans, seule, muette, dans cette prison humide, assiégée par cette houle de verdure qui faisait même le regard captif. C’était pire encore que le navire prisonnier des flots sur la mer sans bornes.

Les fenêtres étaient closes, rien ne bougeait, pas un être, pas un bruit !

Gilbert regarda longtemps, puis un vertige s’empara de lui ; il crut que cette demeure mystérieuse, comme trempée de larmes, se dissolvait, s’évaporait ainsi qu’une vision. Il ne la vit plus que comme une conception du rêve, puis elle s’effaça, disparut.

— « Suis-je fou ? » se dit-il.

Brusquement il se retourna. De tous côtés une blancheur opaque : il était prisonnier du brouillard. Tandis qu’il rêvait, la fusion s’était faite des nuages traînants et de la brume ; la campagne n’était plus que fumée, il lui sembla que la sauvage Isoline opposait ainsi un voile impénétrable à l’indiscrétion de ses regards.

En aveugle, il chercha sa route, péniblement,