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Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/85

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ISOLINE

sauvegarder la gloire de son pays ? Oui, mais obscurément, sans brillants combats, sans armure damasquinée, sans panache frissonnant au vent ; on pouvait estimer les héros modernes, non les aimer.

Roland, sous son casque hérissé d’une chimère, lui paraissait beau comme un archange et elle avait bien pleuré sur sa mort sublime dans les gorges de Roncevaux, tandis que le général ventru qui commandait la place de Dinan la faisait pouffer de rire malgré sa bravoure avérée.

On était arrivé au but de la course.

— « Nous y voici, » s’écria Damont, qui fit glisser le bateau dans une échancrure de la rive.

Encore des ruines, encore le passé !

Gilbert sentait là l’ennemi. Que faire contre des fantômes, vus à travers la séduction de l’histoire et des voiles tissés par le temps ? Il rêvait des combats singuliers contre cette horde de spectres qui défendait l’âme à laquelle il donnait l’assaut. Il fallait que cette armée fût réduite en poussière, dispersée, évanouie, pour qu’il pût entrer en maître. Il admirait pourtant la puissance du livre qui avait ainsi peuplé cette solitude et la comprenait d’autant mieux que lui-même aimait passionnément les