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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 3.djvu/108

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le nez contre un Paul Véronèse ; il me fit passer en revue les plus turbulentes esquisses du Tintoret, et me conduisit aux Titien les plus chauds et les plus ambrés ; puis il me ramena dans son atelier orné de buffets de la renaissance, de postiches chinoises, de plats japonais, d’armures gothiques et circassiennes, de tapis de Perse, et autres curiosités caractéristiques ; il avait précisément un modèle de femme, et poussant devant moi une boîte de pastel et un carton, il me dit : « Faites une pochade d’après cette gaillarde ! voilà des hanches un peu Rubens et un dos crânement flamand. » Je fis, d’après cette créature, étalée dans une pose qui n’avait rien de céleste, un croquis ou je glissai timidement quelques teintes roses, en retournant à chaque fois la tête pour m’assurer que mon maître n’était pas là. La séance finie, je m’enfuis chez moi l’âme pleine de trouble et de remords, plus agité que si j’eusse tué mon père ou ma mère.

conversion.

J’eus beaucoup de peine à m’endormir, et je fis des rêves bizarres où je voyais scintiller dans l’ombre des spectres solaires, et s’ouvrir des queues de paon ocellées de pierres précieuses et jetant le plus vif éclat, des draperies fastueuses, des brocarts épais et grenus, des brocatelles tramées d’or et magnifiquement ramagées, se déployant à larges plis ; des cabinets d’ébène incrustés de nacre et de burgau ouvraient leurs portes et leurs tiroirs, et répandaient des colliers de perles, des bracelets de filigrane et des sachets