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HISTOIRE VÉRIDIQUE DU CANARD
par gérard de nerval

Il ne s’agit point ici du canard privé, ni même du canard sauvage, — ceux-là n’intéressent que M. de Buffon, et M. Grimod de La Reynière. Notre siècle en connaît d’autres que l’on ne consomme, que l’on ne dévore que par les yeux ou par les oreilles, et qui n’en sont pas moins l’aliment quotidien d’une foule d’honnêtes gens.

Le canard est né rue de Jérusalem ; il s’élance chaque matin des bureaux de M. Rossignol — et prend sa volée sur la capitale, sous la forme légère d’un carré de papier grisâtre : « Voilà ce qui vient de paraître tout à l’heure… « Entendez-vous ces cris rauques qui fendent l’air et les oreilles ? Reconnaissez-vous ces bipèdes au pas tortueux qui suivent le long des rues la ligne du ruisseau ? Voici l’origine du nom, tâchons d’apprécier la chose.

Le canard est une nouvelle quelquefois vraie, toujours exagérée, souvent fausse. Ce sont les détails d’un horrible assassinat, illustré parfois de gravures sur bois d’un style naïf ; c’est un désastre, un phénomène, une aventure extraordinaire ; on paye cinq centimes et l’on est volé. Heureux encore ceux dont l’esprit plus simple peut conserver l’illusion !

Le canard remonte à la plus haute antiquité, Il est la clef de l’hié-