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Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 3.djvu/172

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c’était ; rappelez-vous sa tête charmante penchée sur vous et son tendre sourire quand vos petits bras cherchaient à se nouer autour de son cou. Rappelez-vous votre père, mon si cher, mon si bon ami, un meilleur Robert que vous, mon pauvre garçon ; revoyez-le des yeux, des yeux de votre âme, puisqu’il ne vous sera plus donné de le revoir autrement ; revoyez-le rentrant d’un pas pressé, presque inquiet, après le travail du jour accompli, si sûr qu’il fût de vous trouver dans le nid bien chaud où il vous avait laissé. Rappelez-vous vos cris de joie à sa rentrée, la chère maman heureuse d’être pour un instant oubliée. Vos bras, vos jambes, votre cœur palpitant, comme tout cela courait vers ce père tant attendu qui rentrait enfin ! Ne vous souvient-il pas de ce front grave si subitement rasséréné sous les mille baisers du retour, du repos déjà trouvé pour son esprit dans vos caresses turbulentes avant même qu’il fût assis, et de votre si jolie mère attendant son retour que vous lui voliez, petit Robert, l’attendant heureuse et patiente parce qu’elle sentait bien que sur les fraîches joues de son impétueux marmot c’était elle encore que son mari déjà embrassait ? Ingrat, ce dont je me souviens, l’aurais-tu oublié ?

— Taisez-vous, Raymond, taisez-vous, s’écria Robert en portant la main à ses yeux. Il y a quinze jours que je n’ai écrit à ma mère, et j’ai là quatre lettres d’elle, des lettres angéliques, à répondre, — à côté d’autres qui sentent le musc et le baccarat, auxquelles j’ai répondu. — Si vous ajoutez un mot, je suis perdu, je vais écrire à ma mère que je suis prêt et lui demander la main de… de Julie !

— Perdu, non, mais sauvé, mon enfant, » reprit Raymond.

Prenant alors les deux mains de Robert et plongeant dans ses yeux son bon grand regard tout chargé d’effluves affectueuses : « Ta mère n’attend, elle ne désire au monde que ton « oui. » Quant à Julie, elle est depuis longtemps déjà la fille de ta mère dans son cœur — et dans le tien, j’en suis sûr. Cherche au fond, débarrasse l’entrée : c’est elle, et elle seule, que tu y trouveras.

— Ah ! vous savez tout, dit Robert en rougissant ; vous pouviez m’écraser d’un mot tout à l’heure.

— Pourquoi aurais-je été le meilleur ami de ton père, reprit Raymond, si ce n’eût été pour demeurer le plus fidèle et le plus respectueux ami de sa maison, si ce n’est pour remplacer auprès de toi, le jour venu, celui qui n’était plus ?

— Celui qui n’est plus, dit Robert, j’ai cru l’entendre pendant que