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écaillère qui reste sur sa chaise, les mains sous ses jupes, à côté de son tas de coquilles. L’épicier a supprimé le marchand d’encre, le marchand de mort aux rats, le marchand de briquets, d’amadou, de pierre à fusil. Les limonadiers ont absorbé les vendeurs de boissons fraîches. Bientôt un marchand de coco sera comme un problème insoluble quand on verra sa portraiture originale, ses sonnettes, ses belles timbales d’argent, le hanap sans pied de nos ancêtres, ces lis de l’orfévrerie, l’orgueil des bourgeois, et son château-d’eau pomponné, cramoisi de soieries, à panaches, dont plusieurs étaient en argent.

Les charlatans, ces héros de la place publique, font aujourd’hui leurs exercices dans la quatrième page des journaux à raison de cent mille francs par an, ils ont des hôtels bâtis par le gaïac, des terres produites par des racines sudorifiques ; et de drôles, de pittoresques, ils sont devenus ignobles. Le charlatan, bravant les rires, donnant de sa personne, face à face avec le public, ne manquait pas de courage, tandis que le charlatan caché dans un entre-sol est plus infâme que sa drogue.

Savez-vous quel est le prix de cette transformation ? Savez-vous ce que coûtent les cent mille boutiques de Paris, dont plusieurs coûtent cent mille écus d’ornementation ?

Vous payez cinquante centimes les cerises, les groseilles, les petits fruits qui jadis valaient deux liards !

Vous payez deux francs les fraises qui valaient cinq sous, et trente sous le raisin qui se payait dix sous.

Vous payez quatre à cinq francs le poisson, le poulet, qui valaient trente sous.

Vous payez deux fois plus cher qu’autrefois le charbon, qui a triplé de prix !

Votre cuisinière, dont le livret à la caisse d’épargne offre un total supérieur à celui des économies de votre femme, s’habille aussi bien que sa maîtresse quand elle a congé !

L’appartement qui se louait douze cents francs en 1800 se loue six mille francs aujourd’hui.