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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/250

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LE PORTRAITISTE AVED ET CHARDIN PORTRAITISTE 219 Le peintre a prêté un accent vigoureux de réalité aux accessoires qui font l’objet de ces menues occupations; celles-ci s’affirment chaque fois avec un sens plus important qu’en n’importe quelle représen¬ tation de même genre d’un Louis Tocqué ou d’un Drouais, où elles n’ont guère d’autre rôle que de provoquer un geste heureux et une pose avantageuse; elles aident à faire pénétrer dans la vie quoti¬ dienne du modèle, dans le cadre où elle se déroule; elles tendent à adjoindre à l’intérêt physionomique de la figure l’intérêt d’un véri¬ table coin d’intérieur. Cette portée donnée par le peintre aux accessoires n’échappait pas aux yeux des contemporains. Dans la description minutieuse qu’il fait du portrait de Mrae Crozat, l’auteur de la lettre à M. de Poi- resson-Chamarande, après avoir vanté « la robe de satin blanc garnie en point d’Espagne,... la coiffure d’un point d’Angleterre admi¬ rable,... la tête de cette figure franchement tournée,... les mains bien proportionnées, bien détachées,... le coloris d’un choix parfait », insiste sur le « naturel ravissant dont sont rendues les tapisseries, les laines, le dé, jusqu’aux lunettes que la vanité de toute autre dame aurait fait supprimer d’un tableau pareil ». Un biographe du temps, résumant les qualités de l’artiste, écrivait : « M. Aved avait le secret si rare de rendre dans ses portraits non seulement la figure, mais encore le génie, le caractère, les talents, les habitudes de la personne qu’il peignait. Ni la position, ni les draperies, ni aucun détail accessoire n’étaient arbitraires; tout ce qui paraît le plus indifférent aux peintres même accrédités était essentiel pour Aved; tout concourait à la ressemblance et à l’effet principal. » C’étaient là des qualités alors inédites qui auraient pu élever Aved au premier rang des portraitistes du xvme siècle. Elles ne lui valurent pourtant qu’un renom d’artiste distingué. Ce qui lui man¬ quait, c’était cette séduisante apparence de facilité qui charmait tant chez ses confrères. On opposait « sa marche égale et prudente de Batave constant » à la belle aisance de Nattier « qui représentait, disait-on, tout le faste et l’orgueil de la nation française, cet-éclat, cette envie de briller qui la caractérise1 ». Son dessin n’était pas toujours suffisamment sûr de lui-même2, et quelquefois ne sortait pas d’une timidité étriquée. Le pinceau était souvent surchargé, et traînant. Les carnations, hardiment attaquées dans la pleine pâte, ■1. Salon de 1755 (Caractères des peintres français actuellement vivants). 2.\t(c II ne manquait à Aved que de dessiner mieux qu’il faisait. C’était sa partie faible. » (Mariette, Abecedario.)