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LE PORTRAITISTE AVED ET CHARDIN PORTRAITISTE 221 celui de Mme Lenoir\ttenant\tune brochure) que le maître avait envoyé au Salon de 1743 et qui n’était autre que le sujet gravé sous le titre \JInstant de la méditation; Terreur fut définitivement reconnue quand une érudition méthodique eut établi un relevé plus net de l’œuvre de Chardin. A vrai dire, on cherche en vain dans la ligure et le vêtement comment un œil aussi expérimenté que celui du docteur La Caze a cru y découvrir la moindre trace de sa manière ; seule, cependant, la brochure entre les mains du modèle, morceau traité isolément et en quelque sorte comme un coin intéressant de nnature morte, peut, par ses extrêmes délicatesses dans le rendu maté- \ riel de l’objet, par ses minces coulées de pâte blanche interprétant les feuillets du livre, par son étonnante vérité d’ambiance, faire pen¬ ser à la facture attentive et très surveillée de certains tableautins dé Chardin : ustensiles de ménage ou provisions de dessert sur un angle de petit meuble. Et même rien, après tout, s’il était démontré que la toile est bien de son compagnon, n’empêcherait de supposer là, avec quelque vraisemblance, une modeste et amicale contribution de son savoureux talent. Ce fut à Louis Tocqué que, dans la suite, un prince de la critique, Paul Mantz, se montra vivement tenté d’attribuer l’énigmatique image1. Un moment même, le fin et brillant portraitiste ayant exposé au Salon de 1751 un tableau intitulé : M),iC Tocqué tenant une brochure, il semblait que le mystère se trouvât enfin éclairci. Il n’en était rien; l’âge encore jeune qu’avait la femme du peintre à cette époque ne pouvait concorder avec l’âge avancé de Y Inconnue. Paul Mantz ne crut pas pour cela devoir tout à fait renoncer à son idée. Il pen¬ sait en effet à plusieurs représentations de même genre figurant parmi les envois de Tocqué aux Salons du temps, à certaines toiles rencontrées, de mise en scène plus simple qu’à l’ordinaire, où le peintre n’avait pas montré moins de perspicacité qu’il n’y en a dans l’admirable image de la salle La Caze. Or un spécimen de ces figura¬ tions d’arrangement plus familier, Mmc Danger sur un sopha occupée à faire des nœuds, acquis depuis peu par le Louvre, vient nous offrir un excellent élément de comparaison. Nous sommes loin, en face de ce portrait, des carnations et des étoffes de la mystérieuse figure, La facture de Tocqué, infiniment précieuse par sa légèreté, sa transparence, sa subtilité, mais mince et un peu froide dans sa tonalité argentine, ne semble guère propre J. V. Gazette des Beanæ-Arts, 1894, t. II, p. 404.