Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/267

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS tole, au pied du grand escalier qui conduit à l’église de Santa Maria in Ara-Cœli, autrefois in Capitolio, construite sur l’emplacement d’un ancien temple de Junon. Une statue équestre de l’Empereur Cons¬ tantin, « divo constantino aygvsto », se dresse sur un haut piédestal au centre du tableau, rappelant ainsi que, le premier, il fit de Rome une ville chrétienne. Cette statue marque l’entrée d’une longue rue bordée de quelques monuments, parmi lesquels se dresse une grosse tour, comme il en existe encore quelques-unes à Rome. A droite s’élève une maison de riche apparence, et de style tout romain; la porte en est fermée par un vantail de bronze, et des colonnes de marbre vert avec leurs chapiteaux élégamment sculptés en décorent l’entrée. À côté, dans une niche, la statue d’Esculape, « aescolapvs servator », est environnée de guirlandes de fleurs placées en ex-voto. Par une heu¬ reuse fiction, le peintre a reconstitué ainsi un quartier de l’ancienne Rome. Tel est ce cadre, bien fait pour rappeler qu’au vue siècle la ville n’avait pas encore perdu tout caractère de grandeur antique. Maintenant, voyons le drame. C’est la nuit. Quelques lueurs rougeâtres apparaissent seules à l’horizon, indiquant le prochain lever du jour. Sous la lumière sinistre dont le tableau est enveloppé tout entier, se déroule la scène tragique que le comte Henri Delaborde, alors secrétaire per¬ pétuel de l’Académie des Beaux-Arts, décrivait, dans une notice sur r la vie et les œuvres d’Elie Delaunay, en des termes que nous ne saurions mieux faire que de rappeler ici : « Au premier plan, un ange, ministre des arrêts divins, indique à la Mort la demeure où elle doit pénétrer et dont la sinistre visiteuse s’empresse de forcer l’entrée d’un coup d’épieu irrésistible, tandis que, au seuil de cette demeure, où se cachent des vivants pour quelques instants encore, un jeune garçon à la face livide, presque cadavérique déjà, fris¬ sonne sous les .haillons qui, tout à l’heure lui serviront de linceul, et que, auprès de lui, une femme, sa mère peut-être, le poing tendu vers une statue d’Esculape, au pied de laquelle elle est tombée, maudit le dieu sourd à ses supplications. Enfin, du côté opposé, au sommet d’une rampe dont les premiers degrés disparaissent der¬ rière des mourants ou des fuyards, quelques chrétiens sortent d’une basilique, et, s’avançant processionnellcment, semblent apporter la résignation, sinon l’espérance, dans celte atmosphère de désolation. » Si le comte Delaborde paraît avoir ignoré la légende rapportée par Paul Diacre, Delaunay l’avait bien connue et en a donné une