Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

268\tGAZETTE\tDES\tBEAUX-ARTS troisième, une Madone à la fleur de pois, au Musée germanique de Nuremberg, ne figure malheureusement qu’au catalogue) : un Crucifiement (à M. H. Clemens, d’Aix-la-Chapelle,) et une Vierge avec l'Enfant entre des saints (coll. Félix, de Leipzig), peints sur fond d’or; elles montrent (surtout la seconde) un grand progrès dans le rendu des formes et l’arrangement de la composition avec, même dans un sujet comme le Crucifiement, ce sentiment plus tendre que passionné, cette douceur des physionomies, cette grâce souriante des visages féminins au grand front bombé, au petit nez légèrement retroussé, à la bouche menue, qui vont devenir la marque caractéristique de l’école colonaise. Cette école a été tour à tour très louée et très décriée. Certains écrivains l’ont admirée comme la plus exquise fleur de beauté mys¬ tique que l’art ait produite en Allemagne, comparable pour le moins aux créations de Fra Àngelico et de la première école siennoise. D’autres, plus épris d’âpreté farouche que de joliesse, ont amèrement critiqué le côté conventionnel de son idéalisme, la fadeur de ses types, la mièvrerie de son exécution, et lui ont préféré les maîtres plus rudes de Souabc et de Franconie. Il n’en reste pas moins qu’elle possède, entre toutes les écoles allemandes, un rang privilégié, par sa personnalité bien tranchée, par le charme et la pureté de ses inspirations, la fraîcheur de son sentiment de la nature, le parfum de poésie pieuse qui s’exhale de toutes ses créations, enfin la fécon¬ dité de sa production. Stephan Lochner, de Meersburg, déjà fixé à Cologne en 1442, et qui va être le peintre le plus marquant de l’école et un des plus grands maîtres de la peinture allemande, incarne le plus parfaitement ce sentiment de la beauté idéale. Une de ses premières œuvres connues, la grande Vierge à la violette du séminaire diocésain de Cologne, peinte sans doute après 1443 (la donatrice qui y est figurée en costume d’abbesse, Elisabeth de Reichenstein, fut supérieure du couvent de Sainte-Cécile de 1443 à 1486), est conforme encore à l’esthétique de maître Guillaume (que rappelle en particulier la figure assez conventionnelle de l’Enfant Jésus), mais, dans son dessin et son modelé plus savants, annonce les chefs-d’œuvre à venir : la Vierge au buisson de roses du musée de Cologne et le Dombild, cette Adora¬ tion des Mages de la cathédrale, peinte entre 1440 et 1450 pour la chapelle de l’hôtel de ville, et que Durer admira lors de son passage à Cologne en 1520. Elle dépasse de bien loin tous les ouvrages des maîtres précédents par son importance, par la beauté de son coloris