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288 GAZETTE DES BEAUX-ARTS c’était l’usage, il reçut, le 24 juillet 1771, le brevet d’élève pension¬ naire de l’Académie de France à Rome, où il arriva en octobre de la même année1. Le directeur de l’Académie était depuis longtemps Charles Na- toire, très dévot et assez tracassier, a-t-on dit. Or, Vincent professait comme son père la religion réformée et, bien que sa qualité de pro¬ testant n’eût pas empêché l’Académie de lui décerner le prix ni le roi de lui accorder le brevet, elle pouvait susciter à Rome des tiraillements. « Le sieur Vincent, nouveau pensionnaire, écrivait Natoire2, m’a fait connaître que, n’étant pas né dans la religion catholique, il ne pourrait se soumettre aux devoirs qu’elle exige... Le manger, dans le temps du carême, fera quelques difficultés, mais pour aplanir tout embarras, je le mettray au nombre des infirmes. » Marigny approuvait, en faisant recommander à Vincent « la plus grande circonspection dans ses discours et son extérieur. » Il n’y avait pas à craindre de scandale avec Vincent. Différant en cela de la plupart de ses camarades, il était essentiellement cir¬ conspect et mesuré. « Tous ceux qui ont connu M. Vincent, écrira - plus tard Quatrcmère de Quincy, savent qu’il était particulièrement modéré et éloigné de tout excès. » Son portrait, fait par Mmc Labille- Guiard en 1782 (celui que nous reproduisons ci-contre est postérieur, mais garde quelque chose de la distinction des jeunes années) donne bien l’idée d’un homme aimable, mondain. La physionomie est fine, la bouche et les yeux spirituels; la perruque soigneusement bouclée, la cravate bien nouée, le jabot de dentelle sur un habit de velours, tout dénote des habitudes et des recherches d’élégance. Dans un temps où l’on aimait la conversation, Vincent avait la réputation d’un causeur agréable, avant de devenir, vers la fin de sa vie, inta¬ rissable. « Tous ceux qui l’ont connu, écrira encore Quatremère de Quincy, savent qu’il était inépuisable lorsqu’il parlait de son art, et que son abondance semblait quelquefois ne pas pouvoir trouver de bornes. » On a peu de détails sur la vie de Vincent à Rome, où il resta jus¬ qu’en 1775. Dans la correspondance de Natoire avec Marigny, on ne trouve qu’un mot sur lui : « J’ay veu dernièrement quelques mor- 1. Il y alla par mer. Le catalogue de la collection Goncourt signalait une tête d’homme, avec ces mots : « Vincent f. en pleine mer, octobre 1771 ». (Cat. des dessins, n° 333.) 2. Correspondance des directeurs de VAcadémie de France à Rome, t. XII, p. 355, 358.