Aller au contenu

Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

30 GAZETTE DES BEAUX-ARTS sentir et faire sentir, il n’est si petit épisode qui ne soit riche de sens et, comme Ton dit, d’« humanité ». C'est une des meilleures toiles du Salon que les Vieilles demoiselles de M. Miller. Comme elles sem¬ blent paisibles dans leur petite salle grise, propre et bien rangée, ces deux vieilles filles! Elles viennent de faire le thé; elles le boivent avec recueillement; l’une est assise dans un grand fauteuil vert, et remue la cuiller dans la tasse d’un air entendu; l’autre, plus sim¬ plement vôtue, est restée debout et elle tient encore sa tasse entre les mains. Elle est plus jeune, elle a l’air plus indulgent et meil¬ leur, et l’on devine que, de ces deux demoiselles qui ont associé leur vie, l’aînée est peut-être plus intelligente et plus autoritaire, mais l’autre se contente d’ètre plus dévouée. M. Miller a usé d’une sim¬ plicité de moyens remarquable : nulle couleur voyante et nul apparat dans la présentation; une grande exactitude de dessin, beau¬ coup de précision dans les détails, une étude très fine des physio¬ nomies, et dans l’ensemble une fermeté sobre et sûre d’elle-même. La même habileté discrète se remarque dans la Crinoline du même peintre; ici, c’est une jeune femme en déshabillé qui se regarde dans une petite glace; la crinoline marque la date de la toile; un meuble aperçu dans un coin, une gravure accrochée au mur, la sou¬ lignent avec à propos. M. Miller paraît doué d’un tempérament per¬ sonnel et il a du goût. Il y a plus de fantaisie dans les Incompris de M. Devambez. Le peintre a groupé autour d’une table de café quelques bohèmes qui pérorent, et il a fait de leurs images réunies une amusante satire. Les uns sont très animés par une conversation où les théories et les axiomes hardis ont assurément leur place; les autres, plus pai¬ sibles, oublient la vie devant leurs Arerres; ils sont tous très convaincus et toujours prêts, selon la formule de Flaubert, « à étonner les bourgeois » : ce sont des génies morts jeunes; M. De¬ vambez amis aies peindre beaucoup de verve et une intelligente sympathie, soucieuse de les expliquer plutôt que de les condamner sommairement. Dans l’Acjuadora de Séville, M. Zo fait preuve de jolis dons de coloriste. Sa Sévillane assise, en pleine lumière, contre un mur bleu, a belle allure, jusque dans le goût un peu risqué de sa toilette. Sa rose, trop rose, piquée dans ses cheveux trop noirs ne s’allie nul¬ lement à sa robe blanche, qui ne s’allie pas elle-même à sa mante bleu cru, mais dans la lumière éclatante de Séville tout s’unit, toutes les nuances se composent, et le regard s’arrête avec comptai-