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394 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Thévenin, Heim; en cela encore il précédait presque David, comme chef possible d’uue école. Seulement, à ce moment même, David exposait le Bélisaire et les Horaces, et l’opinion allait à lui d’un élan irrésistible, pendant qu’au contraire la renommée de son quasi rival fléchissait insensiblement. Si un critique avait l’idée saugrenue de comparer Vincent à Glück, en déclarant que « le génie de M. Vin¬ cent ne le cède en rien au génie du célèbre auteur d* Iphigénie en Tauride et d’Alcesle », d’autres écrivaient : « Les productions de M. Vincent ne sont pas aussi brillantes cette année que dans les salons précédents1 ». En 1789, il fit un grand effort et exposa Zeuxis choisissant pour modèles les plus belles filles de la ville de Crotone2, sujet ingénieux, séduisant, et qui semblait fait pour un peintre, puisqu’il s’agissait de représenter de beaux corps de femmes. « L’idée en est aussi charmante que l’exécution, écrivait-on, mais ce tableau paraît plutôt l’effet d’un talent rare que celui d’un grand génie », et on « observait que M. Vincent ne paraît pas avoir assez d’enthou¬ siasme pour peindre la beauté ». Observation parfaitement juste et qui fait toucher du doigt le vice capital de bien des artistes de cette génération : ils ne sentaient pas la splendeur du corps vivant, ils n’éprouvaient devant la nature que des sensations affadies, ils n’avaient qu’une vision terne et blafarde. Avec la Révolution se termine, ou peu s’en faut,la carrière artis¬ tique de Vincent. 11 exposa en 1791 un Pyrrhus sauvé, qui d’ailleurs fut très mal accueilli, et, en 1795, Guillaume Tell renversant la barque qui portait Gessler, sujet « républicain » qui fut goûté et que le ministre de l’Intérieur, en 1799, attribua à titre de récom¬ pense nationale à la commune de Toulouse3; maigre cadeau, s’il en fut jamais. Pourtant, de cette époque, datent deux tableaux inté¬ ressants, le portrait de Boyer-Fonfrède avec sa femme et ses enfants (1801)4 et la Leçon de labourage. Le porlrait de Boyer-Fonfrède est un bon spécimen de la peinture patriarcale à la Rousseau et à la Diderot. La mère qui donne le sein, Boyer-Fonfrède « en posture d’époux, d’amant et de père », comme on aurait dit à l’époque, les 1. De celle même période (1785-1791) datent six tableaux sur l’histoire d’Henri IV, commandés à Vincent par le roi et destinés à être reproduits en tapisserie. L’un d’eux, Henri IV devant Paris, se trouve au Palais de Versailles dans le cabinet d’un des conservateurs. 2. Musée du Louvre. 3. Dulilleux, Le Musée spécial de l'École française à Versailles. Réunions des Sociétés des Beaux-Arls des départements, 1895, p. 240. 4. Musée de Versailles.