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302 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Commandés et exécutés expressément pour l’emplacement qu’ils occupent depuis deux cents ans, ces panneaux accompagnent et com¬ plètent admirablement les peintures et dorures un peu massives qui s’étalent sur les piliers, les chapelles et la voûte de l’édifice. On trouve ici un exemple fort remarquable de la valeur particulière que donne à une œuvre d’art, assez ordinaire en elle-même, une bonne appropriation au milieu pour lequel elle est conçue. Vues séparément, les tentures de Saint-Jean paraîtraient quelque peu médiocres de dessin et d’exécution. Dans l’église de La Valette, elles produisent le plus brillant effet et forment un ensemble des plus riches en même temps que des plus harmonieux. Le total des tapisseries exécutées pour le grand-maître, tant à l’église qu’au palais dont nous parlerons tout à l’heure, atteint le chiffre de trente-sept. Il dépasse quarante, si on tient compte des quatre petits panneaux surmontant les fenêtres de la grande salle du palais et ayant reçu pour principal motif de décoration les armes du donateur. Sur les négociations entreprises au sujet de ce travail, sur la date précise de l'exécution les documents font défaut. Les livres de notre manufacture nationale n’enregistraient pas les com¬ mandes des particuliers. Un hasard seul peut mettre sur la trace des pourparlers, des conditions de la commande et faire connaître le prix du travail. On assure seulement que certains panneaux furent livrés vers 1700; le renseignement est bien vague. Ce fut un grand-maître espagnol, initié peut-être à la connais¬ sance et à l’amour des somptueuses décorations par les chefs-d’œuvre admirés dans les palais de la Couronne d’Espagne, qui conçut l’heu- reuse idée de parer les deux principaux édifices de la capitale de l’Ordre d’une double suite de tapisseries destinées à transmettre à la postérité le souvenir de sa libéralité. Ramon Perellos et Rocafull (ainsi s’appelait ce noble Espagnol) ne borna pas, d’ailleurs, scs largesses à l’exécution des deux ten¬ tures que nous étudions ici. 11 a do té la ville de La Valette de plusieurs monuments encore debout; il suffira de signaler la porte monumen¬ tale faisant communiquer le quartier de laFloriana avecl’arrière-port. Afin de bien accuser le rôle de cette porte, son architecte a eu l’idée originale de placer, en guise de colonnes, de chaque côté de la baie principale, des canons dressés verticalement pour supporter l’entablement. Cette décoration a vraiment belle allure. Perellos n’en est peut-être pas l’inventeur; mais où pouvait-elle trouver une meilleure application qu’ici?