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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/381

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332 GAZETTE DES BEAUX-ARTS de petits décors,grandes lignes avoisinant des détails minuscules; et les symboles du culte brahmanique y contrastaient aussi singulière¬ ment entre eux. On y voyait, par exemple, les quatre faces humaines et gigantesques de Brahma sculptées en bas-relief au-dessous de cette petite frise de nymphes divines, côte à côte, en haut-relief, se déta¬ chant du fond par leurs ombres projetées, les mains jointes en signe d’adoration, isolées, et intercalées de fleurs de lotus sculptées en très bas-relief; et puis, au sommet, la petite frise d’oiseaux élevée à vingt mètres du sol; — effet étrange de superpositions de frises liées par les oppositions des profils dans une constante harmonie, interrompue seulement des feuilles vibrantes des palmiers ou des silhouettes de leurs ombrages auprès des tours et des pièces d’eau, sur les fonds bleus des jardins. Alentour, des lacs artificiels, alimentés par les inondations qui se répandaient sur toute la contrée pendant une partie de l’année, étendaient jusqu’à des distances lointaines leurs eaux tranquilles, troublées de temps à autre par le mouvement cadencé des rames des pirogues, amenant les promeneuses dans les jardins, munies des parasols qui les garantissaient de l’ardeur brûlante du soleil. Elles s’acheminaient vers les tours ou sanctuaires, où étaient conservées les urnes funéraires après la crémation des morts. Çà et là étaient des statues; telles celle dite du Roi lépreux, qui existe encore, et qui donne une idée bien caractéristique des formes de la statuaire. Des balustrades d’appui terminées en formes d’éventails par les sept têtes de serpents s’étendaient au-dessus des terrasses et ajou¬ taient un nouveau charme à l’agrément des jardins. Les jours de fêtes nautiques ou de joutes sur l’eau, très en hon¬ neur dans les coutumes, les rois khmers, de leurs mains, ouvraient les écluses; et, entourés de leurs cortèges et des attributs dus à la puissance suprême, du haut des terrasses de leur palais ils distri¬ buaient les prix aux vainqueurs. L’impression que laisse ce séjour enchanteur est liée à celle que laisse l’aspect des temples sacrés, qui avaient dans la civilisation khmère une si grande influence et qui concentrèrent tout ce que les artistes furent capables de produire de plus important et de plus parfait. L’art s’est manifesté sur les monuments khmers du ivc au vuc siècle de notre ère, avec le génie producteur d’une imagination féconde, comme nous en donnent des spécimens les sculptures des