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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/399

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350 GAZETTE DES BEAUX-ARTS tuent dans un lavage d’huile grasse et dans des coulées de pâte sèche». Eh! ne voilà-t-il pas une seconde fois nos dentelles du por¬ trait de Carnavalet? La description, si pleine de sens pictural, pour¬ rait s’appliquer à celles-ci mot pour mot. Eux aussi, les musées de province comptent, comme les collec- ? tions privées, quelques Chardin plus que douteux. A Epinal notam¬ ment, une figure de femme à mi-corps, que M. Gonse1 dit être vrai¬ semblablement d’un Hollandais du xvin* siècle, pourrait bien dans ces conditions se voir restituer un jour à Aved. Il ne serait; pas étonnant non plus que notre peintre soit aussi l’auteur de cette fiôre image, qui sort d’une chaleureuse ambiance avec une si grasse consistance de modelé, de Jean-Philippe Rameau chantant en s'accom¬ pagnant de son violon, conservée au musée de Dijon, ville natalp du musicien. La toile fut exposée en 1900 au Petit Palais. Rameau appa¬ raît vers la quarante-cinquième année, ce qui ferait approximativement remonter l’œuvre à 1728. A cette date Aved, âgé de vingt-six ans, avait donné, tout comme son ami, quoique, à vrai dire, avec m’oins d’éclat, quelques preuves de son savoir-faire; il avait peint notam¬ ment d’après lui-même ce beau portrait dont le souvenir nous est conservé dans la gravure de Benoit; il n’était pas éloigné d’être admis à l’Académie, où il entrait trois ans après. La toile montre dans les coulées de sa matière colorante de ces rudesses et même de ces heurts qui rappellent les vigueurs, les duretés du Jean-Baptiste Rousseau du musée de Versailles. Le rapprochement des deux œuvres est à faire, et décèle, par exemple, dans le floconneux* de? perruques, dans le linge des manchettes, des maniements depinçeau presque identiques. L’habit du musicien est peint en un de; ces rouges riches et profonds qui étaient une des belles résonances de la palette du portraitiste, car ils semblent assez fréquents dans son œuvre. L’ensemble, rempli de verve juvénile, atteste, par la cha¬ leur de son harmonie et la décision de sa facture, l’inspiration directe de ces maîtres septentrionaux du xvne siècle dont notre peintre venait, en ses années d’apprentissage, de sucer la « sub- stanlifique moelle ». Une question se pose devant toutes ces attributions douteuses, et Edmond de Goncourt se l’est posée à lui-même : les deux amis n’ont-ils pas dû, plus d’une fois, associer leurs talents? Aved n’avait-il pas recours pour certains morceaux de nature morte à la 1.\tLes chefs-d’œuvre des Musées de France. Peinture. Paris, Soc. franc, d’édit. d’art, 1900.