Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/419

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3G2 GAZETTE DES BEAUX-ARTS bien des envieux; ses ennemis disaient volontiers que ses richesses « étaient faites du sang et des larmes des pauvres » et ils répan¬ daient le bruit qu’il recevaitde l’argentdes gouverneurs de provinces, pour empêcher les sujets de porter leurs plaintes jusqu’à l'empereur. Théodore Métochite, sûr de son crédit, laissait dire. Pourtant lui- même s’effrayait parfois de l’excès de sa prospérité; de sombres pres¬ sentiments l’agitaient, et il lui arrivait de s’écrier en ces accès de désespoir: « Maudit soit le jour où je me suis marié, maudit soit le jour où j’ai eu des enfants, car sans eux ma position serait plus facile! » Dans le traité qu’il a composé sur ce thème : « il est impos¬ sible de rencontrer une existence pleinement heureuse », il a exprimé les mêmes inquiétudes. 11 y montrait les difficultés de la situation politique, le mal incurable dont souffrait l’empire, les périls du dehors, les agitations du dedans, la décadence visible, la chute pro¬ chaine et irrémédiable, l’impossibilité de gouverner sur des ruines, et, n’ayant plus confiance qu’en l’intervention du ciel, il disait triste¬ ment: « Puisse Dieu me protéger, moi et l’empire des Romains! » Les pressentiments du ministre ne le trompaient point. Dans la guerre civile qui, pendant sept années, de 1321 à 1328, mit aux prises l’empereur Andronic et son ambitieux petit-fils, Andronic le jeune, la fortune de Métoohite allait sombrer, entraînée dans la ruine de la monarchie. Vainement, en bon administrateur, soucieux avant tout des affaires publiques et justement inquiet des dangers que causeraient les troubles civils, le favori s’efforça de conjurer la crise menaçante et d’apaiser « le prince généreux et ami du bien», comme il disait, « que Dieu lui avait donné de servir ». Vainement il s’employa à réconcilier les deux adversaires; et s’il entra peut-être alors dans son attitude quelque secret désir de ne point perdre sa place et de ne pas se compromettre entre les deux factions, il est certain du moins que, dans les négociations dont il se fit l’honnête courtier, il sut parler aux deux princes ennemis avec une robuste franchise, et qu’une fois la rupture consommée il prit résolument et garda jus¬ qu’au bout le parti de son vieux maître. Il repoussa avec hauteur toutes les avances que, pour le gagner, lui faisait Andronic le jeune, et cette loyale fidélité ne fut point sans quelque mérite, car il voyait nettement la catastrophe menaçante et les conséquences qu’aurait pour lui-même la faveur dont l’avait comblé l’impopulaire souverain qu’il défendait. Troublé par des rêves sinistres, sentant l’émeute gronder dans la capitale, il pensa du moins sauver sa for¬