Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/421

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS épuisa jusqu'à la lie la coupe du malheur ». Gravement atteint, par surcroît, d’une maladie de vessie, il languit quelque temps loin de la capitale. Finalement il obtint son rappel et vint terminer ses jours au monastère de Chora. Au beau temps de sa prospérité, entre 1310 environ et 1320 Théodore Métochite avait, on le sait, reconstruit et décoré à nouveau le couvent jadis fondé par Marie Ducas, et qui était voisin de son palais. On voit dans ses poèmes de quelle attentive sollicitude il suivit toute sa vie cette pieuse maison, dont l’établissement devait à la fois, dans sa pensée, assurer le salut de son àme et l’éternité de sa mémoire. Il y venait volontiers prier avec les moines, passer avec eux, aux veilles des grandes fêtes, la nuit à suivre les oflices; il les édifiait à l'occasion par de belles homélies; surtout il veillait soigneu¬ sement à l’administration du monastère, dont il avait confié la charge à son disciple préféré Grégoras, et il se préoccupait d'enrichir l’église de magnifiques icônes, la bibliothèque de précieux manuscrits des écrivains sacrés et profanes. C’est là, dans le naufrage de sa fortune, qu’il vint chercher un suprême asile. Mais épuisé par la maladie, frappé au cœur par sa disgrâce, il n’y revint que pour mourir. Le 13 février 1332, le vieil empereur Andronic achevait ses jours dans la misère. Ce fut pour son fidèle serviteur le dernier coup. Un mois après, le 13 mars 1332, Théodore Métochite, après avoir sous le nom de Théoleptos revêtu l’habit des moines, terminait sa longue exis¬ tence. En son honneur, devant la communauté rassemblée, Nicéphore Grégoras prononça une longue oraison funèbre, curieux spécimen de l’éloquence maniérée chère aux Byzantins de ce temps, et pour le tombeau de son maître il composa cette épitaphe : « Chœur des Muses, pleurez : cet homme est mort, avec lui toute sagesse est morte. » Tel fut l’homme remarquable dont l’image, aujourd’hui encore, domine le seuil de l’église de Chora. Dans l’histoire de la civilisa¬ tion byzantine, c’est une figure singulièrement intéressante et pitto¬ resque; dans l’histoire de l’art byzantin, l’œuvre qu’il créa est plus importante encore, et il ne s’est point trompé en exprimant l’espoir qu’elle lui assurerait « jusqu’à la fin des siècles une renommée glo¬ rieuse auprès de la postérité. » II Quand on entre aujourd’hui dans la mosquée de Kahrié-djami, la première impression est somptueuse autant que charmante. Dans