Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/458

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

398 GAZETTE DES BEAUX-ARTS comprendre vraiment Guys, il faudrait voir ses dessins, les lire, si l’on peut dire, à la suite, en séries, et comme un livre d’images sans texte, qui aurait pu s’intituler : Fleurs du Mal et Fleurs de Beauté. Guys n’a pas cherché à traduire seulement la Vénus popu- lacière, la Vénus des ébriaques, à faire grouiller la Cour des miracles de l’amour. Quelques fines et légères aquarelles, caressées avec soin, nous rappellent qu’il est le contemporain de Marguerite Gautier, des pauvres filles belles qui « s’en allaient de la poitrine ». Il les transcrit sans ombre d’ironie; de même, il semble parfois, en silhouettant au coin de rues désertes de graciles et gracieuses fillettes que guide, en leur bizarre station, la présence d’une matrone au chàle robuste et aux épaules carrées, il semble qu’il ait pensé à cette Anne de Quincey qui se perdit dans le brouillard de Soho. D’ailleurs son attention pro¬ fonde a visé toutes les notes du clavier, il a décrit tous ces élé¬ ments d’attirance élémentaire, depuis la présentation brutale jus¬ qu’à l’ambigu de ce travesti, en chasseur de fantaisie, culottes collantes, fines moustaches, longues tresses. Quelquefois il semble qu’il suit ses modèles. La Femme au fichu jaune qui, dans sa gracili té, apparaît comme hésitante, débutante, avec des allures encore ancillaires, ne paraît-elle point, à une autre aqua¬ relle, pimpante, amenuisée, ayant monté en grade, glissant, pour des emplettes, vers quelque magasin de fanfreluches, complaisam¬ ment étudiée en son affinement? 11 est pris par l’allure, la marche, la mimique du visage de la femme de plaisir; il la suit au Bois on galant équipage, dans ses quêtes à pied par les rues, il la regarde au bal public. Biches, lorettes, cocodettes, gigolettes l’ont captivé par leur allure féline et paresseuse dans les landaus, leur déhanchement grossier, leurs glissements sournois, les appels de leur danse. Ses hommes sont beaucoup moins étudiés dans Je détail; l’aspect de désir de leurs faces n’est pas fouillé. Mathurins, maraîchers, soldats ou messieurs, ils sont là, en surplus, surtout ces hommes corrects qui hérissent Mabille et Yalentino des hauts-de-forme que Guys Leur campe sur la tête à la diable. Ils sont des comparses de sa comédie plutôt que des acteurs. Les jardins d’amour, les Paplios vulgaires, Guys les décrit tous : Crémorne, Valentino, Mabille, ldalie, Bullier; il y suit l’histoire des danses spéciales, depuis les anciennes, aux préludes timides où la danseuse pinçait modestement sa jupe lourde avant dé menacer les lustres de la pointe de sa bottine, jusqu'aux plus récentes : depuis la Tulipe orageuse et la valse particulière, échevelée, du bal Bullier,