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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/460

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400 GAZETTE DES BEAUX-ARTS La danseuse, la vraie danseuse, Y a moins préoccupé, quoiqu’il ait comme Degas observé la formation des groupes de ballerines pour l’entrée du pas d’ensemble, qu’il ait noté des voltes de belles filles qui font penser, par leur nuque brune et leur jambe à la fois « forte et fine, nerveuse et musclée » h la Fanfarlo de Baudelaire. Il préfère décidément les ébats des bals publics, la danse naïve, bru¬ tale, inexperte, langoureuse aussi, et il s’arrête à décrire ces singuliers entr’actes, ces relâches de plaisir, que se donnent, en musique, les recluses sous l’œil des matrones. Plusieurs dessins figurent ces trêves, l’introduction du misérable orchestre, du vieux violoneux au chapeau aplati par les ondées, de la vieille harpiste dont la tète s’orne d’un madras aux coques légères. Il a épié les différences de sentiment des filles, à l’audition de ces musiques vagues; des cou¬ ples de valseuses s'enlacent, quelques-unes semblent s’apprêter pour le cancan, le balancé ou le quadrille. Cette différenciation du bétail charnel, il la suit, à certains dessins, dans ses notes les plus ris¬ quées; ces sept personnes nues qu’on présente à des visiteurs sont bien différentes d’expression : l’une provocante et pointant les seins, l’autre tassée, ballonnée, indifférente; une encore dont les yeux atones ne peuvent s’ajuster avec l’expression d’offre du corps; aussi nuance-t-il les expressions dans ces corps de garde nocturnes devant des portes, dans des creux d’allées, où des bossues mettent un air de sarcasme finaud et de blague populacière parmi les tas de chairs adipeuses, mamelonnées, ornées d’énormes huit, de massives résilles qui sont étalées. Ces tristesses, il les interprète sans gouaille. Quelquefois la satire prend ses droits; elle est dirigée contre les exploiteurs. Ce n’est pas à proprement parler de la pitié sociale, mais il y a une insistance à juxtaposer le personnel, svelte sans doute, maigre aussi, à ces matrones à face de proconsul romain, au cou énorme, dont le madras semble un diadème lauré, dont le châle rouge a des éclats de pourpre. A côté de ses études de danses violentes, de fatigue bestiale, il cherche des allures générales. Il exécute de véritables portraits très signifiants, où l’ébouriffement de la tignasse, parfois son arrange¬ ment massif et plaqué fait paraître plus typique la mollesse et l’in¬ décision des traits. 11 a des silhouettes de débutantes, que seul le décolletage fait distinguer de la grisette ou de l’ouvrière, des filles placides aux mains calmes dans les poches de tablier, en attente; il effleure en passant des portraits d’amoureuses, et monte jusqu’au type éclatant, jusqu’aux belles filles dont l’entrée dans le vestibule