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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/462

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402 GAZETTE DES 11 EAUX.-ARTS Peut-être celte perfection à laquelle Guys a porté sa notation du soir de Paris, de la vie galante de la grande ville, son étude de la beauté féminine et de tout son entour de grâces du geste, d’attributs de parure, — il y a de lui d’admirables dessins aquarelles dont une belle robe est vraiment l’héroïne, — ainsi que les vigoureux contrastes qui font de lui, pour la vie amoureuse, une manière de Callot, comme il est quelquefois une manière de Watteau, rendent- ils injustes pour les autres gammes de son talent. Parmi les dessins ou les aquarelles qu’il n’établit pas à Paris, les plus séduisants, les plus artistes se rattachent encore à son goût pour l’allure féminine dans ses joliesses, comme dans ses bizarreries. 11 a transcrit des exotismes; ses mandas d’un charme enveloppant et aigu; ses juives d’Alexandrie brillent d’une magnifique verve de mouvement, chaque fois que son art s’applique à la vie féminine, il y trouve une nuance profonde, un ton d’émotion, une force d’évocation qu’il n’a point ailleurs. C’est la partie durable de son œuvre, supérieure à ses dessins de « correspondant » dont l’exposition récente ne nous adonné que peu de spécimens, parmi lesquels ces deux feuillets assez lourds de son carnet de Crimée. Ils sont peut-être trop composés, et un peu mélodramatiques, surtout cet Apres la bataille, avec son arrivée trop dense, trop voulue, trop tragique, de corbeaux dévorateurs. Pas plus que devant ses loges impériales on ne retrouve la belle note d’admiration de Baudelaire, on ne demeurerait à son unisson devant quelques-uns des dessins qu’il envoyait aux journaux anglais. Non qu’on songe à diminuer la valeur de certains portraits de mili¬ taires, ni à contester que le soldat de Guys, à lui seul, par sa carrure, ses différenciations, par une traduction juste de sa profes- sionnalité qui le montre faraud, fêtard, coquet, qui jauge bien son allure hardie et vigoureuse aussi bien que sa mentalité peu complexe, n’ait suffi à lui créer une place honorable, et qu’on n’ait admiré le dessinateur homme de goût, qui savait peindre les hommes de guerre et leur aspect réel, sans impression cocardière. Mais tous ces dessins ne semblent que les éléments d’une préface à son livre véritable, et, malgré le bel intérêt de dessins célèbres sur des fêtes d’Orient comme sur les carrefours de Constantinople,il apparaît que son talent ne se développa absolument, ne se trouva tout entier, qu’au moment où Paris le prit, l’absorba, le confisqua et en fit son confident. Il garda de ses premières préoccupations, de ce métier de globe- trotter et de reporter du crayon qu’il fit en initiateur, certaines tendances, certaines habitudes qu’il s’était données, en harmonie