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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/464

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404 gazette des beaux-arts à en fixer le souvenir, pas plus que son dandysme et son anglo¬ manie ne l'ont amené à décrire le nouveau paysage urbain. C'est presque en eux-mêmes, détachés comme des entités, qu’il évoque en son œuvre tout ce chuchotis du soir parisien, toute cette clameur de bouges et de bals qui se fige comme en un cinématographe avec des prestesses, des précisions, des glissements vers notre regard si particuliers et si prenants, et cette tendance à réduire un art de plus en plus fortifié d’observations, vers la psychologie pure, tendance toute classique, parait s'accentuer chez lui, de plus en plus, d’année en année.

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C'est un grand artiste. Pourtant il est fragmentaire. De tant de notations pittoresques, il n'a jamais cherché à extraire un tout. Il note des ensembles, il ne les recrée pas. II ne dispose que de quel¬ ques-uns des moyens techniques de l'art. Il n'est pas peintre. Il est ainsi moins complet que les artistes avec lesquels il a contact : Ma- net, pour sa vision aiguë, son exécution rapide, sa prestesse à saisir ce bruissement continu du tout moderne, du tout neuf; Daumier, auquel font songer quelquefois la vivacité, l'audace heureuse, les scrupules de son dessin ; Alfred Stevens, pour cette étude minutieuse de la femme en son caractère physiologique, le soin à en noter les tares, les rides, les vieillissements, les fanures, en y découvrant du caractère et de la beauté; Félicien Rops, avec lequel il a, pour des portraits stricts et des études de face et d'allure, de frappantes simili¬ tudes. Des sujets qui ont sollicité toute l'attention de Degas l'ont frappé. Il a eu une influence ; on songe, devant certain dessin, à Wil¬ lette, ailleurs à Forain. Il est initiateur; ses curiosités, sa méthode, son art, faisant corps avec la théorie qu’en a déduite Baudelaire, a eu des échos, même littéraires; il compte dans les précurseurs du naturalisme (la gronderie de Goncourt dans son Journal contre la critique qui veut faire de Guys un gros monsieur, n’y peut rien et n'empêche pas Guys d'avoir un peu prévu Germinie Lacerteux). Il avait un domaine bien à lui, où il était le maître, et seul, longtemps, il se promena jusqu’aux confins de ce terroir. Il est très personnel. Il est un des rares novateurs de son temps qui ne doivent rien à l'art japonais. C'est dans les arls du dessin un grand autodidacte. Baudelaire a décrit sa méthode de travail et l’essai sur Le Peintre de la vie moderne est trop connu, pour qu’il soit utile de rappeler ici les phrases de Baudelaire, sur son métier d'aquarelliste, sa façon