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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/47

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42\tGAZETTE\tDES BEAUX-ARTS a voulu venger nos peintres de ce long oubli. Mais, hélas! on n’y parviendra pas. Une fatalité s’attache à leurs œuvres. Jadis on ne les montrait pas, et, maintenant qu’on les montre, elles demeurent presque aussi inconnues. Le Bréviaire du duc de Bedford a des mil¬ liers de miniatures : on en voit cinq ou six. Les Heures d’Anne de Bretagne sont ouvertes à une admirable page, mais qui donc pour¬ rait deviner qu’il y a, derrière, toutes les fleurs des champs et des jardins ? Le public ne saura donc jamais tout ce qui se cache de talent et de patience dans les livres qu’on lui met sous les yeux. Seuls, quelques adeptes, qui ont touché respectueusement ces livres que touchèrent saint Louis ou Charles V, qui ont tourné avec lenteur ces feuillets éblouissants d’or et de pierreries, sauront la valeur de ces merveilles. Il faut que les miniaturistes prennent encore patience. La photographie des couleurs leur donnera un jour la vraie gloire. II Feuilleter les manuscrits n’est pas seulement une volupté, c’est, pour l’érudit, la meilleure préparation à l’étude de l’art français. Tous les secrets y sont contenus, et se découvriront avec le temps à la patience des observateurs. On y verra se transformer tout douce¬ ment les anciennes manières de dessiner et de peindre, on y verra se modifier l’iconographie, on y verra naître et grandir l’amour de la nature. Les quatre ou cinq cents miniatures exposées donneront déjà au visiteur attentif une idée de ces métamorphoses. M. Léopold Delisle les a rangées, comme on devait s’y attendre, dans un ordre parfait. Il a choisi, autant qu’il était possible, les manuscrits à date certaine, et il lui a suffi de les mettre les uns à la suite des autres, pour nous raconter l’histoire de l’art français au xivc et au xvc siècle. Son cata¬ logue restera, après l’Exposition, le plus précieux instrument de travail. Les plus anciens manuscrits exposés sont du xin° siècle. Il était nécessaire de remonter jusque-là pour rendre sensibles les efforts et les progrès des peintres du siècle suivant. Nous ne voulons pas dire par là que les miniatures du xme siècle soient médiocres : ce sont, au contraire, des œuvres décoratives d’un goût charmant, mais où l’on sent peu l’étude de la nature. Dans ce siècle idéaliste les peintres croient à la vertu des formules. C’est le règne des Universaux. 11 y a un type de vieillard, un type de jeune homme, un type de femme* i