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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/476

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416 GAZETTE DES BEAUX-ARTS d’une magnificence exceptionnelle. Malgré la pompe et l'apparat de ces tableaux, ils présentent un grand défaut. Ce sont des tableaux d’histoire, non des motifs de décoration; en outre, cette répétition des mêmes costumes, des mêmes figures, de scènes toujours à peu près identiques n’échappe pas à la monotonie. Dans les Eléments et les Saisons, reparaissent des allusions con¬ stantes aux événements notables du moment, aux nobles qualités du Roi. Les devises et les emblèmes intercalés dans les bordures sont d’adroites flatteries aux qualités de Louis. Quant à la suite des Mois ou des Résidences royales, une des plus originales que l’imagination de Le Brun ait conçues et réalisées, elle est évidemment destinée à donner une haute idée de la splendeur de la cour qui peut à chaque saison, — que dis-je? — chaque mois, se transporter dans un nouveau palais. Aussi est-ce un des témoi¬ gnages de sa puissance et de sa grandeur que Louis XIV aime à envoyer aux souverains des contrées lointaines. Ainsi, pendant vingt ou vingt-cinq ans les Gobelins sont exclusi¬ vement occupés à célébrer de toutes les façons la gloire et les hauts faits du maître de la France. L’adulation sait prendre les détours les plus ingénieux, revêtir les formes les plus adroites. On finit toute¬ fois par s’en lasser. Et, à partir de 1080 ou 1685, une évolution caractéristique se produit dans le choix des sujets - proposés aux tapissiers. Les allusions plus ou moins directes au Roi, à ses vertus, à ses conquêtes, à sa puissance, sont abandonnées, et on s’éprend d’une belle passion pour les modèles purement décoratifs, comme les Musiques et les Danses de Nymphes, d’après Raphaël ou Jules Romain, les Triomphes des Dieux et les Sujets de la Fable. C’est alors que les peintures offertes parle prince d’Orange reviennent sur l’eau; alors, commence bétonnante fortune de ces modèles originaux. Il faut avouer que nul sujet ne pouvait mieux remplir le rôle décoratif de la tapisserie. Ici, le motif est nul, la composition à peu près insi¬ gnifiante. Tout l’intérêt des tableaux est dans les colorations riches et variées, dans les formes étranges de ces fruits, de ces poissons, de ces animaux inconnus chez nous. Il ne faut pas oublier que les grandes compagnies commerciales fondées par Colbert, soutenues par les encouragements du souverain, avaient mis ces pays lointains à la mode. Sans cesse, on parlait des Indes orientales ou occidentales. Il était d’une bonne politique d’en vanter les produits variés, de les présenter à toute occasion sous les yeux du public. Nous avons rappelé le goût du souverain pour les animaux