Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/480

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m GAZETTE DES BEAUX-ARTS Gobelins, est d’une grande finesse. Or, quand des mètres entiers de superficie sont à remplacer, quand il faut imiter à l'aiguille les recherches délicates d’un tissu très ténu et très soigné, quand les parties nouvelles doivent se fondre avec les fragments conservés, sans qu’il soit possible de distinguer les points de suture, la difficulté atteint des proportions inouïes, surtout avec des ouvrières exercées sans doute au maniement de l’aiguille, mais qui, pour la plupart, n’ont qu’une notion assez superficielle du dessin et de l’harmonie des tons. C’est une surveillance de tous les moments à exercer; c’est une attention minutieuse, et qui dure des mois, des années. On peut l’affirmer hautement, l’atelier des Gobelins n’a jamais eu de besogne plus ingrate, plus longue, plus pénible à exécuter que cette res¬ tauration, ou, pour parler exactement, cette réfection des tapis¬ series de Malte. Aussi, la tâche entreprise en 1896 et poursuivie depuis presque sans interruption est-elle à peine arrivée à moitié. Sur dix pièces il en reste encore cinq à réparer. Celles qui ont repris leur place ont donc exigé plus de six ans de travail, et encore, depuis plusieurs années, deux tapisseries se trouvaient-elles en même temps sur le métier. Sans cela, on n’en eut jamais vu le terme. Une des pièces les plus grandes et les plus ruinées, la tapis¬ serie du Cheval rayé, fut commencée au mois de juillet 1900; les derniers points ont été faits en février 1903, et, pendant ces trente ou trente-deux mois, sept ouvrières ont été occupées sans inter¬ ruption aux coutures, au tissage, au repiquage, enfin à toutes les opérations variées que comporte la réparation d’une tapis¬ serie. Ceci nous a confirmé dans la conviction que personne n’est capable de calculer à l’avance les frais de la réfection d’une tapisserie arrivée à un certain état de délabrement. Les réparateurs de profes¬ sion qui consentent un marché ferme avec un client se voient obligés ou de majorer singulièrement le prix pour parer à toute éventualité et se couvrir contre l’imprévu, ou d’employer des artifices, des expé¬ dients qui ne sauraient être de mise aux Gobelins, par exemple de teindre certains endroits où la chaîne blanche apparaît, ou de bou¬ cher des trous avec des morceaux d’autres tapisseries anciennes. Les panneaux goth iques se réparent plus aisément que les ouvrages de notre manufacture nationale; d’abord le nombre des couleurs est bien plus restreint et, par suite, il devient plus facile de trouver les équivalents des tons anciens. De plus, le dessin, plus simple,