Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/487

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m GAZETTE DES BEAUX-ARTS vigoureux mouvement en avant commencé depuis quelques années se fait même sentir dans cette école de Düsseldorf qui fut longtemps, plus que toute autre, la citadelle des « saines traditions » : on cite le fait inouï — et qui n’alla pas sans quelque scandale — du refus par le jury de deux tableaux sur trois envoyés par le directeur de l’Académie, le professeur Peter Janssen ! Cepen¬ dant, Düsseldorf n’en conserve pas moins ses qualités de probité artistique, le goût de la peinture solide et consciencieuse dans des tonalités un peu sombres, et, surtout au sortir de certaines salles, offre l’impression d’une réunion de bonne compagnie, un peu sévère, mais profondément honnête. La peinture historique et religieuse y est encore en honneur. Elle est repré¬ sentée par Ed. Gebhardt, dont on connaît le style renouvelé des Primitifs allemands, l’austère sentiment, et qui expose, entre autres, une grave figure du Christ entrant dans une demeure et prononçant ces paroles : « Voyez, je suis toujours avec vous! »; par Peter Janssen, dont l’unique œuvre acceptée, influencée par Gebhardt, montre en effet un talent bien impersonnel; par Claus Meyer, qui, à l’instar de Gebhardt encore et de F. von Uhde, situe dans une auberge de pêcheurs l’apparition de Jésus ressuscité à ses disciples, et qui s’avère l’élève des petits maîtres hollandais dans son tableau Après le jeu; par Schreuer, qui, dans une toile finement peinte, nous montre Gœthe chez Jacobi à Düsseldorf. Mais la nature et la vie, directement, sincèrement étudiées, sont encore les meilleures inspiratrices des peintres. C’est cette vérité de l’observation, jointe à la loyauté de l’exécution, qui fait le mérite d’un Portrait de femme, sobre et fin, de Vogts; d’un autre, plus solide de facture, de Schmulzer; d’une étude de Schmurr, La Beauté de la forme, où le trait souple d’un corps de femme, dé Lâché sur un fond sombre, ravit comme la ligne pure d’une mélodie; puis des scènes de mœurs de Gerhard Janssen, Max Stern, Mannchen, Cari Müller, et surtout Sohn- Rethel. Ce jeune homme (neveu du grand Rethel, dont on a exposé dans une salle voisine les cartons de sa belle décoration à l’Hôtel de ville d’Aix-la- Chapelle) est un des meilleurs peintres de ce groupe : sa Tête d'Italiennet son Léon XIII sur son lit de mort, surtout ses Paysans hollandais, avec des moyens d’exéculion extrêmement simples, atteignent au style par la force de la compo¬ sition, la précision du dessin, et, dans leur manque de prétention, se montrent infiniment supérieurs à telles toiles tapageuses de motif et de coloration, comme ce triptyque où un autre jeune homme, Jodocus Schmitz, a cru sans doute affirmer son affranchissement artistique en représentant, dans des effets d’éclairage in¬ spirés de La Touche, des travailleurs à demi nus, pesamment chargés, gravis¬ sant à gauche le ponton d’un bateau qui apparaît, au centre, illuminé d’une guirlande de lampions multicolores et rempli d’une élégante société d’hommes et de femmes en toilette de soirée chantant et se grisant de champagne, tandis qu’à droite un ouvrier gigantesque dresse en l’air un immense bloc de rocher donl il va les écraser. Les bons paysagistes, non plus, ne sont pas rares : c’est, en première ligne, Eugène Kampf, dont les vues de villages flamands sont d’une poésie si péné¬ trante dans leur simplicité et d’une facture si excellente; puis Jutz, non moins émouvant, Oellers, Neuhoff, Deusser, Fritzel, F. von Wille, E. Paul, Ackermann, Clarenbach, Liesegang, Dücker, G. von Bochmann, Nikutowski, Westendorp, Dirks, Max Stern, et (en de belles lithographies et eaux-fortes) H. Otto. Le