Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/49

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS pas comme de vrais peintres, mais comme des décorateurs à qui on peut accorder plus d’une liberté. La miniature du xmc siècle relève en effet de l’art décoratif, comme les vitraux, comme les émaux de Limoges. Jugées comme œuvres de décoration pure, les miniatures du xnic siècle apparaissent ce qu’elles sont vraiment, — exquises. Chaque page du Psautier de saint Louis 1 semble un bijou d’émail et d’or. On ne sait si c’est l’œuvre d’un orfèvre ou d’un peintre. Quand le roi ouvrait son livre dans sa Sainte-Chapelle, les miniatures se trouvaient en parfaite harmonie avec les voûtes d’azur, les vitraux et les châsses. Il est visible d’ailleurs que les peintres du xin° siècle s’inspirent souvent des vitraux 2, souvent aussi des émaux. Cet art du xme siècle, qui semblait immobilisé à jamais, com¬ mence à tressaillir légèrement dans les quarante premières années du xive siècle. Pour un observateur superficiel, les deux volumes du Bréviaire de Belleville 3 ne diffèrent pas sensiblement des livres enluminés au siècle précédent. Il y a cependant mille nuances. L’ar¬ tiste n’ose pas s’affranchir des grandes formules iconographiques consacrées par les siècles, mais il y introduit timidement, et comme en demandant pardon, un peu de vie et d’amour. Dans la scène de la Nativité, la Vierge est toujours étendue sur son lit, mais, au lieu de détourner la tête, elle regarde son enfant couché dans la crèche et tend la main pour le caresser. Beaucoup de figures sont tradi¬ tionnelles; néanmoins un geste, le pli d’un manteau témoignent d’une observation exacte. L’artiste ne veut plus être un simple déco¬ rateur, il aspire à être un vrai peintre. Scs miniatures ne sont plus un dessin à la plume relevé de couleurs, il commence à répudier le trait4 et à faire tourner ses personnages par la seule vertu des lumières et des ombres. Admirable audace et qui ouvre la voie à tous les progrès. Ce livre si riche de promesses est l’œuvre de trois artistes : Jean Pucelle, Ancelet de Sens et Jacquet Maci. Ils sont éga¬ lement les auteurs d’une Bible latine de 1327 qu’on verra exposée non loin du Bréviaire de Belleville:1. C’est à eux encore que j’attri¬ buerais les belles Heures de Jeanne de France, reine de Navarre, qui offrent tant de ressemblances avec le Bréviaire de Belleville, 1. N° 6 du catalogue (B. N., latin 10525). 2. Exemple :n° 1 du catalogue (B. N.,latin 11560). 3. Nos 24 et 25 du catalogue (R. N., latin 10283, 10284). 4. Il y revient cependant quelquefois. N'oublions pas d’ailleurs que trois artistes ont travaillé au Bréviaire de Belleville. De là des différences de style. 5. Catalogue, n° 23 (latin 11933).