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■430 GAZETTE DES BEAUX-ARTS plus de style, un sens délicieux de l’intimité, un amour et un respect profonds de la nature — dont témoignent ici les portraits sérieux, d’un métier sobre et large, signés Niels Dorph, Paulsen, W. Ilammershôi, Krôyer; les intérieurs dont Vigo Johansen, Peter llsted, Holsôe ont su rendre de façon si persuasive l'atmo¬ sphère cordiale, le calme reposant — et cependant n’exclut pas les incursions dans le domaine de la fantaisie, telles les compositions pleines de fraîcheur ingénue où Skovgaard nous montre Adam et Ece dans le Paradis et M,le Eva Dorph une Ève conçue dans la manière des peintres florentins du quattrocento. L’art norvégien, d’aspect plus rude et plus fruste, est peut-être plus sincère encore : on s’y sent en contact plus immédiat avec la nature, observée et rendue, sans aucun parti pris d’école, avec une ingénuité touchante, uniquement sou¬ cieuse de vérité. Les paysages de Sohlberg, Munch, Halfdan Strôm, Petersen, dans leur simplicité, dégagent une émotion à laquelle n’atteignent pas les toiles, sur¬ prenantes d’illusion, de Thaulow, dont l’habileté détonne un peu dans ce milieu. Des Fleurs de Harold Braun; des portraits, aussi remarquables par l’observa¬ tion pénétrante que par la franchise et la liberté de la facLure, de Werenskiold ; enfin, quelques-uns de ces cartons de tapisseries où Gerhard Munlhe retrace dans un style si pittoresque les épisodes des sagas norvégiennes, complètent cet ensemble, d’un caractère profondément national. La Suisse a une exposition non moins significative et des plus intéres¬ santes. Un amour moins ingénu, mais plus viril, de la nature s’y fait sentir, avec une recherche du style qui donne à ses productions une saveur singulière. L’artiste le plus personnel de ce groupe est ce Ferdinand Hodler dont les œuvres furent si remarquées chez nous en 1900 et qui ici s’impose tout d’abord aux regards avec de monumentales compositions allégoriques, VcritJ, Sentiment, Printemps, parfois étranges et d’un symbolisme obscur, mais d’un sentiment très réel (surtout la dernière) et d’un accent décoratif robustement expressif. Boss et A. Muret, dans des vues de nature aux tons francs; Bille, dans des paysages plus lumineux; Amiet, dans des peintures apparentées à Hodler, tandis que Giacometti apparaît influencé par Gauguin, se montrent, de même, excel¬ lents décorateurs. Et il faut louer particulièrement les fortes qualités des Jeunes filles de Savièse de lliéler, les paysages pleins de sentiment de Kehfous, les scènes de vie intime et les portraits si sincères de Auberjonois. On a fait à Zuloaga, qui a enfin renoué la tradition de la bonne peinture en Espagne et revendiqué l’héritage, si longtemps dédaigné, de Goya, l’honneur d’une salle particulière que remplissent dix-huit de ses grandes toiles où revit l’àme tragique et sensuelle de l’Espagne : la Consuelo du musée de Brème, Car¬ men la danseuse, Le Marchand de miel, La Rue des passions, etc. Après cette évocation puissante et colorée, la salle espagnole paraît bien banale et bien terne. Il faut pourtant y noter des études, libres et franches, de Hamon Casas eL de Gonzalez, puis les paysages de Suréda, habitué de nos Salons. On regrette que Soi*olla, Anglada et Rusinol ne soient pas venus rehausser cette réunion. De l’Italie il y a également fort peu de chose à dire. L’immense toile —trop immense pour ce sujet épisodique, et de tonalité lourde et opaque — où Michetli a représenté La Fille de Jorio s’avançant d’un pas automatique devant un groupe de paysans gouailleurs ou impressionnés par cette apparition sinistre; une Fille de Jiiire» qui révèle dans le peintre Morelli, récemment décédé, un