Aller au contenu

Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/512

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

445\tGAZETTE\tDES\tBEAUX-ARTS à loisir et a autorisé la Gazette des Beaux-Arts à en reproduire quel¬ ques pages. Ce livre charmant ajoute quelque chose à la gloire de Bourdichon. Après les Heures d’Anne de Bretagne et les Heures d’Aragon c’est ce qu’il a fait de plus achevé : le Missel de Tours et les Heures de Charles VIII n’ont ni la même richesse, ni la même perfection soutenue. C’est un livre d’Heures qui fut enluminé sans doute à la demande de quelque grand personnage : malheureusement aucun blason, aucune devise, aucun portrait ne peuvent nous permettre de deviner le nom de son premier possesseur. Il est même impossible d’en connaître la provenance. 11 fut acheté par M. de Rothschild en 1854 à la vente d’un bibliophile célèbre, le libraire Renouard. Or, Re- nouard, dans le catalogue qu’il a laissé de sa collection, parle assez longuement de ce manuscrit, mais il ne dit pas où il l’a dé¬ couvert. Une seule chose est hors de doute : c’est qu'il a été enluminé par Bourdichon. La preuve en sera facile à faire. Il nous suffira de le comparer brièvement avec les Heures d’Anne de Bretagne, le Missel de Tours et les Heures d’Aragon. C’est aux Heures d’Anne de Bretagne qu’il ressemble le plus. Plusieurs pages, en effet, sont encadrées de merveilleuses branches chargées de roses, de digitales ou de cerises. Tout autour volent des papillons, des mouches et des libellules. C’est la même naïveté et la même perfection. Comme dans les Heures d’Anne de Bretagne, on pourrait compter les fibres des tiges d’iris, ou les longs poils des chenilles. On retrouve la même main. On reconnaît surtout la même fraîcheur d’émotion en face de la nature. Il y a des framboises qui sont à moitié roses et à moitié vertes, des pâquerettes qui n’osent pas encore s’ouvrir, et des tiges de myosotis enroulées sur elles- mêmes. Bourdichon, comme tous les vrais artistes, a gardé toute sa vie la faculté de s’étonner. Les effets de nuit, qui sont un des charmes des Heures d’Anne de Bretagne, se retrouvent ici. L’Annonce aux bergers est à peu près identique. Un feu jette des lueurs rouges sur les jambes des hommes et sur le museau d’un chien, tandis que soudain, du fond de la nuit transparente, surgit un ange lumineux qui verse des rayons d’or sur la face des pâtres. Ailleurs, Jésus-Christ en croix se détache dans un ciel nocturne où brille la lune, sur un fond d’étoiles. L’arrangement des scènes, les types des personnages sont les mêmes. La Vierge montre son visage candide, Job sa belle barbe