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454 GAZETTE DES BEAUX-ARTS Un seul de ces livres a été commandé; les autres semblent avoir été faits pour être mis en vente. L’atelier de Tours a dû en produire un grand nombre du même genre, qu’on retrouvera dans les collections particulières ou dans les bibliothèques de province. Le plus remarquable des livres d’Heures qu’aient enluminés les élèves de Bourdichon est le manuscrit latin 1374 de la Bibliothèque Nationale. Les premières miniatures sont d’un excellent élève. Les Quatre Évangélistes et VArrestation de Jésus-Christ au jardin des Oli¬ viers paraissent à première vue presque dignes du maître; mais il suffit d’ouvrir les Heures d’Aragon pour reconnaître que ni les phy¬ sionomies ni le paysage n’ont la même délicatesse. À partir du f° 25 commence l’œuvre d’un élève beaucoup moins habile. Tout s’alour¬ dit. L’Adoration des Mages, la Présentation au Temple, la Fuite en Egypte nous montrent une figure de Vierge conforme au modèle in¬ venté par le maître, mais dont tout le charme s’est évanoui. Les pay¬ sages n’ont plus dans les lointains ces jolis verts cendrés qui vont tourner au bleu. La Bethsabée au bain est une copie assez fidèle, mais sans grâce. Elle n’a plus sur les épaules ces beaux cheveux blonds où brillent des étincelles d’or, mais une chevelure rousse sans reflets. Il est visible que les meilleures miniatures ont été mises en tête du livre pour séduire l’acheteur. Il en est ainsi dans un autre manuscrit de l’atelier de Bourdichon, où l’on entendait assez bien, comme on voit, les intérêts du commerce. Un manuscrit français de la Bibliothèque Nationale (franc. 180) est également l’œuvre de quelques-uns des bons élèves de Bourdi¬ chon. C’est un missel à l'usage de Paris, où les miniatures sont assez rares et correspondent aux grandes fêtes de l’année. Elles sont toutes à peu près conformes aux formules que nous connaissons. Elles ne manquent pas d’une certaine finesse, mais elles ne sauraient faire illusion. Quand on vient de feuilleter les pages délicieuses des Heures d’Aragon et qu’on a encore dans les yeux ces figures qu’enveloppe un duvet, ces chevelures que saupoudre une cendre légère, on ne peut songer un instant à attribuer à Bourdichon, même les meilleures miniatures du missel. Il en est trois qui méritent d’être citées : une Crucifixion', où la figure du Christ en croix est un peu moins mes¬ quine qu’onnel’a peinte d’ordinaire dans l’école ; un prêtre à l’autel-, œuvre d’un excellent élève qui, par instants, atteint presque à la dé- 1. F° 80. 2. F0 80, v°.