Aller au contenu

Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/555

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

480 GAZETTE DES BEAUX-ARTS de quelques bateaux de pêche; puis, l’année d’après, on retrouvait ces jolies baigneuses étalant sur la plage, au pied des falaises, le gracieux bariolage de leurs toilettes, à la fois plus élégantes et plus simples, tandis que leurs bébés, peureusement serrés contre elles, contemplent les exercices qu’un grand ours, tenu en laisse par son cornac, exécute avec une gaucherie somnolente. Ces deux toiles, acquises par Goupil, avaient été également très goûtées par le public. Les peintres de figure étaient un peu étonnés de trouver dans le décor pittoresque de ces compositions autre chose que les frottis d’un fond quelconque, et les paysagistes, à leur tour, pouvaient con¬ stater que les personnages très spirituellement exécutés, d’une touche très délicate et très sûre, ne ressemblaient en rien aux indi¬ cations vagues et sommaires dont ils étaient coutumicrs. Charnay venait ainsi de se créer une place à part, sur les confins de deux genres, et c’était bien lace que Baudry lui avait prédit. Il avait donc trouvé sa voie et il voyait plus clairement quelle mine inépuisable allaient lui offrir les sujets très variés qui sollicitaient son imagina¬ tion, depuis qu’en les mettant dans leur milieu naturel, il pouvait leur donner une plus complète signification. Lui qui hésitait autrefois à introduire des figures dans ses tableaux, il les en peuplait maintenant. Il tirait, d’ailleurs, un égal profit de ses études de paysage pour nous montrer ces figures dans le cadre le mieux choisi pour les faire valoir. Il n’avait pas, au surplus, à le chercher bien loin. Entre toutes les provinces de la France, si riche pourtant à cet égard, il n’en est pas qui, autant que le Forez, possède encore intactes de nombreuses demeures seigneuriales. Ces antiques logis, en même temps qu’ils proclament l’excellence de nos architectes, racontent aussi à leur manière l’histoire des vieilles familles qui les ont habités. Tous les styles sont souvent réunis dans ces aggloméra¬ tions de bâtiments accommodés aux transformations successives de la société. A côté des tours à mâchicoulis se sont harmonieusement groupées peu à peu des habitations mieux en rapport avec les exigences toujours croissantes du confortable moderne. Autour de ces bâtiments et des terrasses qui les avoisinent, des futaies res¬ pectées se mirent dans de vastes pièces d’eau, au milieu d’une nature très pittoresque, bien faite pour ravir un peintre. C’était Gàtellier, avec son manoir imposant, ses grandes avenues bordées d’une quadruple rangée de vieux tilleuls, et, s’ouvrant sur un vaste vestibule aux colonnes de marbre, le célèbre salon garni des tapis¬ series admirables dont Boucher a fourni les cartons; ou, à la Pacau-