Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/586

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BIBLIOGRAPHIE 511 eux-mêmes le lecteur — un Corpus,c’est-à-dire un recueil de tous les monuments cle la sculpture française du moyen âge : les témoignages de l’activité de nos imagiers du xie au xvic siècle sont heureusement bien trop nombreux, malgré tous les vandalismes, pour qu’un pareil ensemble puisse être établi. 11 s’agit seulement d’un choix relativement restreint, mais caractéristique, des monu¬ ments les plus essentiels, les plus expressifs, de l’évolution de la statuaire et de la sculpture décorative en France durant cette période de cinq siècles. Le chiffre de ces documents, empruntés soit aux édifices, soit aux musées, ne se monte pas d’ailleurs à moins de neuf cent quarante, et déjà sous ce rapport ce recueil dépasse ce qui avait été tenté jusqu’ici. Un autre avantage, non moins appréciable, est que ces photographies —reproduites par le procédé de la pho- totypie — ont été prises presque toutes directement d’après les originaux, très rarement d’après des moulages, et donnent ainsi des monuments une impression plus vraie, constituent des pièces d’étude absolument fidèles. Ce recueil va des premiers bégaiements de la sculpture, à l’aube du moyen âge, jusqu’au milieu du xvi° siècle. Présentés chronologiquement et en même temps, dans la mesure où cela a été possible, groupés par régions en des rapprochements singulièrement instructifs, réunis également, à l’occasion, en d’intéressants en¬ sembles du même genre — ici des statues funéraires, là des miséricordes de stalles, — ces documents offrent ainsi un tableau très net à la fois de l’évolution de l’art au cours des temps et de la diversité du style de chaque école à la même époque. Des frustes sculptures des chapiteaux romans, où l’âpre saveur des éléments barbares se combine parfois curieusement avec les influences gallo- romaines, jusqu’aux dentelles de pierre du jubé de Sainte-Madeleine de Troyes, du jubé et des tombeaux de Brou, quelle infinie variété de conceptions et de formes ! Au xne siècle, c’est l’école du Languedoc, habile et féconde entre toutes, avec les Apôtres du musée de Toulouse provenant de Saint-Élienne, l’ensemble et les détails des étonnants portails, si pleins de vie, de Moissac, de Souillac, de Cahors, de Conques; l’école de Bourgogne, non moins riche et diverse, avec les tympans et les chapiteaux de La Charité-sur-Loire, d’Autun, d’Avallon, de Cluny, de Charlieu, de Vézelay surtout, etc.; puis, l’école d’Au¬ vergne, plus lourde et vieillotte dès l’enfance; celle du Sud-Ouest, où Notre-Dame- la-Grande de Poitiers, Angoulème, Aulnay, Vouvant, Saint-Gemme, Maillezais, Cognac, Saintes, forment un groupe si attrayant par la richesse et la délicatesse de Pornementation, groupe que complètent, plus au Nord, les portails de Saint- Martin-le-Beau, de Trye-Chàteau, de Loches et autres; enfin l’école proven¬ çale, représentée notamment par le cloître d’Aix, le portail de Saint-Gilles, le portail et le cloître de Saint-Trophime d’Arles, desquels on peut rapprocher Saint-Guillem-du-Désert et Saint-Bertrand-de-Comminges. Cependant, vers la fin de ce xue siècle, l’adaptation de la sculpture monumentale aux formes de l’archi¬ tecture se manifeste de plus en plus parfaite : Chartres apparaît, puis Bourges, le Mans, Angers, Saint-Loup-de-Naud, Rouen, et voici, avec Senlis, Laon, Sens, les débuts de ce xm° siècle qui va donner à Notre-Dame de Paris, puis aux portails latéraux de Chartres, à Reims et à Amiens, toute sa mesure avec des chefs- d’œuvre parfois comparables, pour la noblesse et l’élégance du style, aux plus belles œuvres antiques, supérieurs même à elles pour l’intensité du senliment etde la vie intérieure. De très nombreuses phototypies reproduisent, à bon droit,